Augmenter le plafond des auto-entrepreneurs, la fausse bonne idée

Pour remédier au recul de la création d'entreprise en France, Bercy songerait à relever le plafonnement du chiffre d'affaires des auto-entrepreneurs. Autoriser un niveau de facturation de 80 000€ aux prestataires de service (au lieu de 32 900€ aujourd'hui) semble partir d'une bonne intention. Mais l'auto-entreprise n'a pas que des avantages. 

Les avantages de l'auto-entreprise 

Un projet, une envie d'indépendance, un besoin de reconversion ? Il est aujourd'hui possible, sans capital, de proposer ses services et son expérience sur le marché sans être astreint à des démarches trop compliquées. En moins de deux heures, une auto-entreprise se crée et peut éditer sa première facture ! 

La micro-entreprise (ex auto-entreprise) jouit d'une certaine notoriété, et nombreux ont été les impétrants : autour de 300 000 par an depuis 2009. L'auto-entrepreneur bénéficie en effet d'une facilité de facturation, peut récupérer environ 75 % de la facturation hors taxes, et n'est pas assujetti à la TVA, sauf s'il le souhaite. Du moins en théorie, car le statut connaît régulièrement de nouvelles évolutions législatives qui le complique de plus en plus. 

Le danger des "patrons précaires" 

En réalité, le régime reste grevé par des inconvénients majeurs. Entre deux missions, aucune compensation ne vient combler les périodes creuses, car aucun droit au chômage n'est acquis. Ce qui peut s'avérer très périlleux. 

Le régime d'auto-entrepreneur offre donc de grandes facilités, une souplesse importante, mais aucun filet de sécurité. Si c'est bien souvent surtout la perspective de très petites charges sociales qui suscite les vocations, cela ne fait pas tout. L'objectif n'est pas de créer des "patrons précaires", comme le remarquait Thibaud Le Floch sur LCP. 

Le système idéal doit certes être simple, facile et rapide à mettre en place, mais aussi offrir une couverture sociale équivalente au salariat. Or, il existe déjà d'autres systèmes qui couvrent ces besoins fondamentaux, sont plus souples que l'auto-entreprise, et permettent, en outre de préserver le modèle social français. 

Le portage salarial : une solution optimale 

La solution du portage salarial est trop souvent méconnue. Pourtant, elle permet au salarié porté de choisir ses clients, de se constituer une expérience, d'être son propre patron, mais sans perdre la protection sociale des salariés ! C'est un excellent moyen de se lancer sans être forcé de prendre des risques inconsidérés. 

Le système est simple : vous cherchez vos clients, vous convenez avec eux de vos modalités d'intervention et de votre tarif, mais, au lieu d'éditer votre facture, comme un auto-entrepreneur, c'est la société de portage salarial qui les fait pour vous. Et c'est elle qui, en échange, vous salarie à hauteur des honoraires qu'elle encaissera. 

Vous bénéficiez donc du salariat tout en étant votre propre patron. En conséquence, vous obtenez naturellement un encaissement net inférieur à celui de l'auto-entrepreneur (environ 50% net du montant de la facturation hors taxes), mais vous gardez une couverture sociale identique à celle des salariés : cotisation au régime des retraites, assurance chômage, mutuelle complémentaire. 

En outre, la société de portage vous offre ses conseils, vous appuie dans vos démarches de prospection et de recherche, et vous assiste pour la rédaction et la signature de vos contrats. C'est aussi elle qui s'acquitte des charges sociales, de l'aspect administratif, en l'échange d'une commission (entre 5 et 10 % de la facturation hors taxes). 

Un régime très bien régulé qu'il faut faire connaître 

Par l'Ordonnance du 2 avril 2015, le législateur a enfin fixé les règles, dans le Code du Travail, qui régissent la relation de portage. L'entrée du portage salarial dans le Code a comblé un vide juridique vieux de plus de 15 ans. 

Grâce au décret du 30 décembre 2015, le niveau de caution financière, destiné à couvrir les salaires et les charges sociales des salariés en portage salarial, en cas de défaillance de l'entreprise de portage est rehaussé à des niveaux comparables à ceux des sociétés d'intérim. 

Ces évolutions répondent, dans le bon sens, à un besoin de plus en plus grand : permettre à tous ceux qui le souhaitent de devenir entrepreneur avec un filet de sécurité et des garanties. 

François Hollande a récemment promis de mettre le portage salarial au coeur de son plan d'urgence pour l'emploi. Il faudra néanmoins que ces déclarations ne restent pas des voeux pieux, et qu'elles soient suivies d'un plan national de communication à la hauteur de la mobilisation autour du lancement du régime de l'auto-entrepreneur en 2008-2009 : campagnes télévisuelles, radiophoniques, écrites. Le portage salarial n'est certes pas nouveau, mais son inscription récente dans le Code en fait un outil neuf et opérationnel, qui n'attend que d'être employé. 

Source : Flexi-entrepreneurs