Conflits au travail : comment l’employeur doit-il les gérer ?

Réponse par l'équipe juridique des Editions Tissot

Dans le cadre de son obligation de prévention des risques, l’employeur doit anticiper le risque de conflit au travail. Au cours de l’entretien annuel d’évaluation, il dispose par exemple de la possibilité de mettre en garde le salarié qui adopterait un comportement susceptible d’entraîner des conflits à l’encontre de l’un ou plusieurs de ses collègues et l’inviter à changer d’attitude.

L’employeur peut également user de son pouvoir disciplinaire : les conflits ou altercations entre salariés peuvent en effet entraîner une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. La difficulté réside parfois néanmoins à identifier de façon claire l’auteur des faits.

Exemple : Les juges ont admis le licenciement pour faute d'une salariée au motif qu'elle avait agressé verbalement puis menacé une de ses collègues de travail avec un « cutter », lame sortie en direction de cette dernière. De même, une salariée ayant proféré des injures et des menaces à l'égard de ses collègues et de son supérieur hiérarchique, ayant contesté son autorité devant toute l'équipe et exercé des pressions pour obtenir des informations confidentielles, peut être licenciée malgré sa grossesse. Enfin, est justifié le licenciement pour faute grave d’un salarié ayant proféré des insultes et fait preuve d'agressivité à plusieurs reprises à l'égard de ses collègues de travail, l'employeur étant tenu d'une obligation de protection de la santé physique et mentale de ses salariés, il ne pouvait pas prendre le risque de voir se renouveler un tel comportement même pendant la durée limitée du préavis.

L’employeur se doit donc d’agir pour protéger le salarié victime qui dispose d’un droit d’alerte et de retrait.

En cas d’altercation physique, l’employeur doit en premier lieu s’assurer que personne n’a été blessé. Dans le cas contraire, il doit veiller à ce que le salarié soit examiné par un médecin et procéder à une déclaration d’accident du travail.

Puis, afin de procéder sereinement à une enquête, il convient de mettre à pied les responsables à titre conservatoire. L’employeur doit alors rechercher les preuves de ce qui s’est réellement passé sans agir dans la précipitation. Cela passe essentiellement par la recherche de témoins pour déterminer qui est l’instigateur de la bagarre et quelle a été l’implication des divers protagonistes.

En effet, l’employeur n’a aucunement l’obligation de sanctionner ces derniers de la même manière. Il doit néanmoins être capable de justifier la différenciation des sanctions, notamment en prouvant la gravité du comportement de tel ou tel participant.

Rappelons qu’en matière de violence physique l’employeur a une obligation de sécurité. Toutefois, dans l’hypothèse d’altercation, l’employeur ne peut pas se voir reprocher un manquement à l’obligation de sécurité lorsque les blessures du salarié lors de l’altercation ont pour cause son propre comportement violent. En d’autres termes, le salarié qui a provoqué l’altercation ne peut pas par la suite reprocher de s’être blessé à l’employeur.

En cas de mésentente et de conflits latents entre salariés, la situation est plus insidieuse.

La jurisprudence admet la validité de la prise d'acte aux torts exclusifs de l’employeur qui face à une mésentente persistante entre salariés ne réagit pas : par exemple, si le salarié sollicite un changement de bureau ou de service pour mettre fin à cette situation conflictuelle, l’employeur devra mettre en œuvre les mesures nécessaires. Elle exige cependant que, pour justifier la prise d'acte, les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité en raison des faits subis par le salarié soient suffisamment graves pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail.

Dans le même ordre d'idées, l'employeur reste responsable, au titre de son obligation de sécurité, des violences physiques ou morales subies par un salarié et qui sont exercées par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements.

À cet effet, l’employeur qui dispose du pouvoir disciplinaire doit réagir et sanctionner rapidement l’auteur des faits. La jurisprudence est très stricte en la matière et admet même le licenciement pour faute grave du directeur des ressources humaines qui cautionne des méthodes de management inacceptable, des violences ou des situations de harcèlement.

Attention, il n'est donc pas nécessaire que le salarié prouve, en cas de conflit, l'existence d'un harcèlement pour que la faute de l'employeur soit établie.

Il convient néanmoins d’être en mesure d’établir un lien de causalité entre l’attitude du salarié sanctionné et la situation. Par exemple, le licenciement pour faute grave d’une salariée tenue pour responsable des difficultés constatées dans les relations sociales de l’entreprise n’est pas justifié dès lors que ces difficultés étaient récurrentes, existaient avant l’arrivée de cette dernière et ont perduré après son départ de l’entreprise.

Le CHSCT, ou le comité social et économique s’il est mis en place, qui est alerté ou qui constate qu'il existe un danger grave et imminent lié par exemple à un conflit ou une altercation entre salariés doit en informer immédiatement l'employeur.

Il peut également (tout comme l’employeur) rappeler à la victime qu’elle dispose du droit de porter plainte contre son agresseur.

Source : Editions Tissot