Décret relatif aux marchés publics : pas tout à fait pret

Alors même que le texte doit entrer en vigueur le 1er avril prochain, la publication du décret relatif aux marchés publics se fait toujours attendre. Grâce à nos confrères du Moniteur, nous avons cependant pu nous procurer la copie remise par le Conseil d’État qui, sous réserve de derniers ajustements, devrait constituer la version définitive du projet de décret. L’occasion donc de faire le point sur les modifications intervenues depuis la publication de la première version de ce texte !

Pour commencer, l’article 34 du projet de décret prévoit qu’en dessous du seuil de 90 000 euros hors taxes, l’État, ses établissements publics autres qu’à caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales ainsi que leurs établissements et groupements pourront choisir librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché public, notamment le montant et la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause. Au-delà du seuil de 90 000 euros hors taxes et en deçà des seuils de procédure formalisée, ces acheteurs publics devront publier un avis de marché soit au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), soit dans un journal habilité à recevoir des annonces légales. L’obligation pour les acheteurs publics de publier un avis d’appel public à la concurrence entre 25 000 et 90 000 euros hors taxes, telle que portée par l’ancienne version du projet de décret, a donc été remise aux oubliettes pour le plaisir de nombre d’acheteurs publics qui estimeront sans doute, et à raison, avoir été entendus sur ce point !
 
Ensuite, il convient également de relever que les dispositions relatives aux marchés publics globaux auraient également évolué, notamment en ce qui concerne les motifs de recours aux marchés publics de conception-réalisation (article 91 du projet de décret). Les procédures applicables à ces marchés sont également distinguées selon que les seuils de procédure formalisée seraient atteints ou non.
 
De plus, s’agissant du document unique de marché européen (DUME) envisagé à l’article 49 du projet de décret, il est intéressant de relever que l’acheteur public ne serait plus tenu de l’accepter que pour les marchés dont la consultation aurait été engagée à compter du 1er avril 2017 pour les centrales d’achat, et à compter du 1er avril 2018 pour les autres acheteurs. La mise en place du DUME ne sera donc pas immédiate mais progressive, cela sans doute de manière à assurer une mise en œuvre pérenne de ce nouvel outil destiné à rationnaliser la passation des marchés.

Plus progressives aussi, les obligations de dématérialisation sont moins radicales que dans le projet initial. Ainsi, pour les collectivités locales et pour l’État, l’obligation de mise à disposition des documents de la consultation sur le profil d’acheteur, pour les marchés en dessous de 90 000 euros hors taxes, est reportée au 1er octobre 2018. De même, de nouvelles exceptions apparaissent à la transmission électronique des offres comme pour les marchés de services sociaux et autres services spécifiques, ainsi que pour les marchés négociés sans mise en concurrence.
 
Il convient aussi de noter la réécriture des dispositions relatives aux marchés de partenariat. Ainsi, l’article 150 du projet de décret revoit à la baisse les seuils de recours à ces marchés. Alors que ceux-ci étaient de cinq millions d’euros hors taxes pour les marchés portant sur des biens autres que des ouvrages, dix millions d’euros hors taxes pour certains types d’ouvrages et de vingt millions d’euros pour les autres ouvrages, les seuils sont désormais de deux millions d’euros hors taxes, cinq millions d’euros hors taxes et dix millions d’euros hors taxes.
 
Par ailleurs, l’étude de soutenabilité budgétaire mentionnée à l’article 74 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 serait désormais plus précise, celle-ci devant notamment inclure le coût prévisionnel global du contrat en moyenne annuelle, l’indication de la part que ce coût représente par rapport à la capacité d’autofinancement annuelle de l’acheteur et son effet sur sa situation financière, l’impact du contrat sur l’évolution des dépenses obligatoires de l’acheteur, ses conséquences sur son endettement et ses engagements hors bilan, ainsi qu’une analyse des coûts résultant d’une rupture anticipée du contrat.
 
Enfin, il sera également relevé un certain nombre d’évolutions, et notamment de vocabulaire avec l’abandon du sourçage auquel lui a été préférée l'expression d’études et échanges préalables avec les opérateurs économiques. À cet égard, relevons que, conformément à la décision du Conseil d’État rendue le 9 mars dernier, les marchés de prestations juridiques pourront, en deçà des seuils de procédure formalisée, faire l’objet d’une procédure adaptée dont les modalités de publicité et de mise en concurrence seront librement définies par l’acheteur public en fonction du montant et des caractéristiques du marché (article 29 du projet de décret).
 
Ne reste donc plus à présent qu’à attendre la version définitive du projet de décret qui devrait être publiée très prochainement. En effet, comme le signalait Jean Maïa, le directeur des Affaires juridiques de Bercy, lors d’une conférence organisée le 10 mars dernier, la réforme des marchés publics devrait bien entrer en vigueur le 1er avril 2016. À noter également que le décret devrait également être accompagné d’un second décret propre aux marchés publics de défense, ainsi que de trois arrêtés.
 
Compte tenu des délais laissés aux acheteurs publics pour s’adapter à ce nouveau droit des marchés publics, la direction des Affaires juridiques de Bercy devrait aussi très bientôt remettre à jour ses fiches techniques destinées aux acheteurs publics, ceci étant précisé que ces acheteurs pourront également s’adresser à la cellule d’informations juridiques qui leur est dédiée afin de répondre à leurs questions.
 
Source :
Projet de décret relatif aux marchés publics – Le Moniteur/Légibase