Le présentéisme : aller au travail....mais à quel prix !

A l’heure où l’on entend beaucoup parler de risques psycho-sociaux, de burnout ou encore d’absentéisme, une nouvelle « pratique » est entrée dans les entreprises : le présentéisme. Le petit dernier du club des RPS se fait discret, mais il est bien présent au travail, c’est le cas de le dire.

Le présentéisme : c’est quoi ?

On oppose souvent le présentéisme à l’absentéisme. L’absentéisme, le fait de ne pas aller au travail, et donc d’être absent, pour des raisons médicales, personnelles… Des raisons plus ou moins justifiées. La « facilité » avec laquelle un employé peut aujourd’hui obtenir un certificat d’arrêt de travail fait grogner beaucoup de chefs d’entreprises et de DRH. Il est vrai que même si un salarié absent l’est souvent pour des motifs qui n’ont rien à voir avec le travail, on prend désormais en compte l’absentéisme dans l’entreprise comme un indicateur à part entière du bien-être au travail. C’est d’ailleurs souvent une porte d’entrée du consultant RH dans les entreprises, qui doit répondre à la demande « j’ai trop d’absentéisme dans ma société, que faire ? ».
Mais au-delà de l’absentéisme et du turnover, qui sont des indicateurs faciles à repérer, le présentéisme est tout autant ravageur, voire plus. Et lui, ne se voit pas. Pour cause : le salarié est présent à son poste !

On dénote plusieurs types de présentéisme :
Type 1 : lorsque l’employé est effectivement présent à son poste, mais qu’il ne travaille pas ; il s’agit du temps qu’il va passer à réserver ses prochaines vacances, à commenter une vidéo ou à faire tout un tas de choses qui n’ont rien à voir avec le travail. Pour pallier à ça, les entreprises mettent en place des protections, empêchant l’accès à certains sites Internet comme Youtube ou certains réseaux sociaux.
Type 2 : c’est le fait d’aller au travail en étant malade. Qui ne l’a jamais fait ? Pour un petit rhume ou même une grosse grippe, on ne va tout de même pas rester chez soi… Surtout si on a un, voire plusieurs jours de carence avant de toucher des indemnités par l’assurance maladie. Surtout qu’il faut prendre rendez-vous avec le médecin généraliste, qui bien souvent est overbooké et ne peut pas nous recevoir le jour même…
Type 3 : cela consiste à rester tard au travail. Et c’est une pratique bien franco-française, issue d’une vision collective qui veut que si l’on part trop tôt du bureau (c’est-à-dire avant 19 ou 20h), c’est que l’on n’a pas assez de travail et que par conséquent le poste que l’on occupe n’est pas justifié (ou que l’on est fainéant !). Ceci concerne surtout les cadres d’entreprise qui n’ont pas d’horaires et qui sont payés au forfait jour. Les employés vont donc rester, même s’ils ont terminé leurs tâches, ou faire « traîner » l’avancée de leurs tâches afin d’avoir toujours quelque chose à faire. Ou ils vont mettre en place des stratégies pour faire croire qu’ils sont toujours là. On a par exemple vu des cadres amener une veste supplémentaire avec eux, et la laisser sur leur fauteuil de bureau le soir afin de faire croire qu’ils étaient toujours dans les locaux alors qu’ils étaient rentrés chez eux !

Qu’est-ce que cela entraîne ?

Pour un salarié qui fait du présentéisme non-malade (types 1 et 3), les conséquences vont être multiples : baisse de la motivation, menace de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle qui va entraîner une baisse du bien-être général, baisse de la concentration et donc de la performance…

Pour le type 2, prenons l’exemple d’un salarié qui attrape un bon rhume, et comparons :
Cas 1 : le salarié ne vient pas travailler pendant 2 jours.
1er jour, performance : 0%.
2ème jour, performance : 0%.
3ème jour, performance : 80% (il lui faut un peu de temps pour se remettre).
4ème jour, performance : 90%.
5ème jour, performance : 100%.
Moyenne de la performance sur 5 jours : 54%.

Cas 2 : le salarié vient travailler.
1er jour, performance : 40%.
2ème jour, performance : 20%, c’est pas la forme.
3ème jour, performance : 40%, ça remonte mais comme le salarié ne s’est pas reposé, ce n’est pas au top.
4ème jour, performance : 60%.
5ème jour, performance : 80%.
Moyenne de la performance sur 5 jours : 48%. Et au passage, le salarié aura pu contaminer ses collègues, qui verront eux aussi leur performance diminuée !

Évidemment, ce cas est extrêmement schématique mais il permet de se rendre compte qu’aller au travail quand on est malade, ce n’est pas forcément bénéfique. De plus, les coûts sont répartis différemment : lorsqu’un salarié est absent, c’est l’assurance maladie qui prend en charge ses indemnités. L’entreprise ne paie rien, et ne gagne rien. Dans le cas du présentéisme, c’est l’entreprise qui paie le salarié, et qui en plus ne gagne rien.

Les différentes études menées sur le sujet ont montré que le présentéisme coûte deux fois plus cher que l’absentéisme. Terrifiant, non ?

Comment lutter ?

Plusieurs moyens existent. Pour la maladie, certaines conventions collectives ont par exemple supprimé le délai de carence pour l’indemnisation des salariés absents. Il s’agit aussi d’avoir une bonne gestion de la charge de travail du salarié : s’il est absent, est-ce que quelqu’un peut prendre le relai ? La mise en place d’une GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) dans l’entreprise peut permettre d’anticiper les absences des salariés, et donc de faire diminuer le présentéisme.

Pour les salariés qui font autre chose que travailler sur leur poste de travail, il peut être intéressant de comprendre pourquoi : peuvent-ils prendre des pauses comme ils le souhaitent ? Y a-t-il sur le lieu de travail des moyens pour se divertir lorsqu’ils sont en pause ? C’est là toute une enquête à mener.

Enfin, pour le salarié qui reste tard, c’est sur la culture d’entreprise qu’il faut jouer. Les dirigeants doivent montrer l’exemple, le salarié ne doit plus culpabiliser. Non, ce n’est pas mal de terminer sa journée plus tôt pour aller s’occuper de sa famille, ou s’accorder des loisirs. Cela permet au contraire d’être plus performant ! *

Aux États-Unis par exemple, le salarié qui finit sa journée à 17h est considéré comme un salarié modèle, qui a su bien s’organiser dans son travail. Celui qui part tard est considéré en revanche comme quelqu’un qui ne sait pas s’organiser et qui gère mal sa charge de travail…

Le présentéisme est un effet de société française, mais toute société peut évoluer, et si chacun fait sa part, les choses peuvent changer. Pour le bien du salarié, et de l’entreprise qui perdra moins d’argent !

* Il a été démontré que plus on passe de temps à travailler, moins on est performant.

Source : Act-Up, Activateur de Potentiels