Les carrières à la veille d’une révolution numérique

Les drones commencent à bourdonner au-dessus des carrières. Leurs photographies en trois dimensions sont un premier pas vers la révolution numérique de l’industrie extractive.

C’est devenu un rituel. Chaque mois, plusieurs sites de Vicat sont survolés par un drone. Le ballet aérien dure deux heures en moyenne durant lesquelles l’engin volant se charge de survoler les stocks et de les photographier en trois dimensions. « Avec un géomètre, il fallait bien compter une journée sur site, plus 4 à 5 jours de traitement, alors que maintenant nous recevons nos relevés topographiques en moins de 24 heures ! » précise Jean-Luc Martin, directeur régional Granulat chez Vicat. Les géomètres ont du souci à se faire…
 
« Sur les deux dernières années, des centaines de sociétés spécialisées ont vu le jour », témoigne Benoit Houdry, géomètre-expert du cabinet éponyme. « Soit nous regardions passer le train, soit nous mentions dedans…». Lui a franchi le pas et s’est équipé de deux machines volantes. Il ne s’en porte pas plus mal : « Grâce aux drones, certains de mes clients sont passés de un ou deux relevés topographiques par an, à un par mois » détaille Benoît Houdry.
 
Sujet tabou
 
Chez les exploitants de carrières, le sujet est tabou. Si certains, comme les carrières du Boulonnais ou Vicat, n’ont pas attendu pour ouvrir leur espace aérien aux drones, d’autres comme Lafarge ou Fulchiron se disent encore en phase de tests. Car le survol d’un drone n’est que la partie immergée de l’iceberg, comme l’explique Benjamin Hugonnet, cofondateur de Redbird. « Nous sommes opérateur de drones mais cette stricte acquisition de données n’est qu’un aspect. Bientôt, les carriers auront eux-mêmes leur drone et feront leurs propres relevés quand ils le veulent. C’est le traitement de ces données qui sera le point clef. Avec notre plateforme « Cardinal » nous récupérons ces données brutes et nous restituons un relevé en trois dimensions sous forme d’un plan interactif très facilement exploitable sur lequel il est possible de simuler les plans de tirs, de déplacer les stocks ou de redessiner les pistes »..
 
Un nouveau métier
 
RedBird fait partie de ces nouveaux acteurs de la collecte de données et du traitement d’images. En décembre dernier, le premier constructeur mondial d’engins de chantier, Caterpillar, annonçait un accord de commercialisation avec la start-up française pour promouvoir des solutions de collecte et d’analyses d’images à destination de ses clients partout en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient.
 
Car les géomètres ne sont pas les seuls à voir leur métier bousculé. Si Caterpillar s’y intéresse, c’est pour coupler ces informations avec celles envoyées par ses machines. « Ces données sont complémentaires et peuvent se croiser. La télématique va nous apprendre – par exemple – que les tombereaux connaissent un ralentissement à intervalle régulier. Les relevés en trois dimension nous permettrons de repérer la portion de la piste qui en est responsable, et de chercher une solution » imagine Grégoire Arranz, directeur général de Sitech France, une filiale de Bergerat Monnoyeur, représentant de Caterpillar en France. Les possibilités semblent infinies. Tellement infinies que certains se mettent même à imaginer que, demain, un seul responsable d’exploitation pourra surveiller plusieurs sites.
 
« Ces nouvelles technologie sont en train de donner naissance à un nouveau métier. Une personne très qualifiée analysera les données envoyées par les drones, les recoupera avec les informations envoyées par les machines, avec les relevés météo, avec les paramètres de tirs… Il en tirera des conclusions pour améliorer la production. Cette personne sera soit interne à l’entreprise, soit externe et agira à la manière d’un consultant » annonce Grégoire Arranz qui conclut : « Toutes les carrières vont passer à la gestion connectée. Ce n’est pas une utopie, c’est une évidence ».
 
Source : Le Moniteur