Loi sur la biodiversité : de nouvelles obligations pour les promoteurs et aménageurs

Protéger la biodiversité lors des opérations de construction ou dans les opérations d’urbanisme est l’un des objectifs du texte qui vient d’être adopté au Parlement. Des contraintes non négligeables risquent de peser sur les maîtres d’ouvrage réalisant des travaux.

Après des mois de discussions entre l’Assemblée Nationale et le Sénat, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a été adoptée le 20 juillet. Les deux chambres étaient en profond désaccord sur une grande partie de ce texte notamment l’interdiction de certains pesticides ou encore le contrôle de l’utilisation de l’huile de palme dans l’alimentation. Les dispositions en matière d’urbanisme et de construction ont moins prêté à discussion mais n’en sont pas moins importantes.
 
«Certaines des obligations faites par le texte aux promoteurs et aux aménageurs vont peser lourdement sur les opérations d’aménagement et risquent de mettre à mal l’économie des projets», regrettent le Syndicat national des aménageurs lotisseurs (Snal) et la Fédération des promoteurs (FPI). Ces deux fédérations estiment que la loi est en contradiction de la volonté du gouvernement de construire plus de logements sur le territoire.
 
Il est encore trop tôt pour dire si le Conseil constitutionnel va être saisi sur ce texte et invalider certaines des mesures prises même si le désaccord entre le Sénat et l’Assemblée nationale peut laisser penser que des parlementaires saisiront cette instance. Voici les cinq points clés du texte qui intéressent le secteur de la construction.
 
Réparer le préjudice écologique
 
Première grande disposition du texte : la loi pose le principe de la réparation du préjudice écologique soit en nature, soit par des dommages et intérêts selon l’idée du « pollueur-payeur ». Dans ce cadre, il est prévu une compensation en cas d’atteinte à la biodiversité lors de la réalisation de travaux ou d’opération d’aménagement. C’est l’administration qui prescrit ces compensations. Le maître d’ouvrage, c’est-à-dire le promoteur ou l’aménageur, a une obligation de résultat et doit non seulement compenser les effets de son projet sur la biodiversité mais aussi réaliser un gain de biodiversité sur le périmètre de l’opération. Si les résultats escomptés ne sont pas atteints, l’administration peut exiger l’abandon du projet. Et si le projet se réalise, le maître d’ouvrage est ensuite responsable de la biodiversité sans limitation de durée. Le Snal et la FPI estiment que cette obligation est trop lourde et que le texte est déconnecté des réalités du terrain.
 
Le maître d’ouvrage chargé de l’opération peut réaliser ces compensations lui-même. En général, il laisse du foncier disponible qui constituera une réserve pour la biodiversité. Mais le maître d’ouvrage peut aussi confier les mesures de compensation à un opérateur de compensation de biodiversité. Il s’agit d’entreprises et organismes du type de bureaux d’études dont c’est la spécialité.
 
Autre possibilité : le maître d’ouvrage peut acheter des unités de compensations pour compenser l’atteinte à la biodiversité (article L 110 du code de l’environnement). Des réserves d’actifs naturels sont créées dans ce but. Ce système n’est pas sans rappeler les obligations des grands distributeurs d’énergie qui sont soumis à des objectifs d’économie d’énergie et peuvent acheter des certificats d’économie d’énergie auprès des particuliers pour compenser. Reste à voir comment ce système pourra fonctionner avec la biodiversité.
 
Faire naître des obligations de protection de la biodiversité
 
Autre innovation de la loi : Il est possible aux propriétaires immobiliers de contracter avec la puissance publique pour faire naître des obligations de protection de la biodiversité sur le terrain qui leur appartient. Ces obligations issues d’une démarche volontaire peuvent s’imposer aux locataires mais aussi aux propriétaires successifs. Il peut aussi s’agir d’obligation de restauration de la biodiversité, du maintien des espaces agricoles. Autre possibilité : la loi ouvre le droit à une personne qui n’est pas le propriétaire du terrain de contracter avec la puissance publique des opérations de maintien de la biodiversité. Cette mesure innovante pourrait toutefois être considérée comme une atteinte au droit de la propriété et le Conseil constitutionnel aurait ainsi à se prononcer sur cet élément.
 
Création des zones prioritaires pour la biodiversité
 
Dans le code de l’environnement, il est créé des zones prioritaires pour la biodiversité. L’administration fixe le périmètre de ces zones même si le fonctionnement des zones prioritaires pour la biodiversité doit encore être précisé par un décret en conseil d’Etat. On sait d’ores et déjà que ces zones peuvent voir leur durée de vie réduite si des mesures de compensations aux atteintes à la biodiversité sont prises par le propriétaire du terrain. Ces zones rappellent le principe des zones prioritaires de sécurité. Le décret précisera dans quelles conditions les zones sont déterminées par l’administration.
 
La continuité écologique au menu des PLU
 
La biodiversité entre aussi officiellement dans les plans locaux d’urbanisme (PLU), les plu identifient des espaces de continuité écologique comme ils peuvent identifier des zones de paysages remarquables et cette continuité écologique est incluse dans les trames vertes et bleues. Les espaces boisés classés deviennent des « espaces boisés classés et espaces de continuité écologique ». La loi définit ces espaces comme végétaux ou aquatiques naturels ou semi naturels mais précise que la protection de ces espaces doit prendre en compte et conserver l’activité humaine notamment agricole.
 
Des monuments « naturels » classés
 
Concernant les paysages, « les monuments naturels » et les sites dont la conservation est importante peuvent être classés au même titre que les monuments historiques. De plus, les espaces aux alentours qui nécessitent une vigilance particulière en raison de leur proximité immédiate avec un site classé ou en cours de classement peuvent aussi être classés notamment s’ils sont enclavés dans le site ou bien s’ils sont à proximité immédiate du « monument naturel ».    
 
Enfin, les arbres le long des routes sont aussi protégés au titre de la biodiversité et la personne qui souhaite les couper doit prévoir des compensations notamment par la plantation d’autres arbres. Voilà l’avenir des platanes bordant les nationales désormais assuré !
 
 Source : Le Moniteur