Parité en entreprise : y a encore du taf

Les femmes gagnent un salaire en moyenne 24% inférieur à celui des hommes. Une disparité que le gouvernement et les entreprises essaient, non sans mal, de gommer.

Faut-il s’en réjouir ? En France, l’écart de salaire entre hommes et femmes est à la baisse. Entre 2008 et 2013, il a baissé de 1,7 point, selon Eurostat. Mais les disparités restent importantes. En 2013, les femmes gagnaient en moyenne 24 % de moins que les hommes. Chiffre qui passe à 9,9 % lorsque la comparaison est faite à secteur d’activité, âge, catégorie socioprofessionnelle et temps de travail identiques. Dans l’entourage de Pascale Boistard, la secrétaire d’Etat chargée des Droits des femmes, on trouve quelques raisons d’applaudir : «En France, deux tiers des femmes en âge de travailler ont un emploi et l’écart de taux d’emploi entre les femmes et les hommes est plus faible chez nous que dans le reste de l’Europe. [11,6 % dans l’UE, 8,1 % en France ndlr].» Sauf qu’aujourd’hui, seuls 17 % des métiers sont considérés comme mixtes, c’est-à-dire comportant entre 40% et 60% des deux sexes. Ce qui, reconnaît ce proche du dossier, «joue sur les salaires, car tous les secteurs n’ont pas les mêmes niveaux de rémunération. Aujourd’hui, les femmes sont davantage à temps partiel, sur des métiers moins qualifiés et dans des secteurs qui paient moins». Un cumul qui explique, en grande partie, les disparités salariales. Car une part de ces inégalités «inexpliquées» demeure. Des disparités que le gouvernement tente d’effacer par des mesures plus ou moins efficaces.

Sanctionner les boîtes ne jouant pas le jeu

«Najat Vallaud-Belkacem a été la première à condamner les entreprises qui ne respectaient pas l’égalité salariale, souligne Marie Donzel, consultante en égalité hommes-femmes. Cela a été un signal fort envoyé aux entreprises». Dans sa loi du 4 août 2014 «pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes», l’ex-ministre des Droits des femmes a, en effet, serré la vis des entreprises de plus de 50 salariés sur le sujet. Désormais, celles qui ne rempliront pas leurs obligations - réaliser un diagnostic des écarts de situations et établir un plan d’action ou un accord relatif à l’égalité professionnelle - s’exposent à une pénalité, fixée au maximum à 1 % de la masse salariale. Elles risquent aussi d’être privées d’accès aux marchés publics. Une menace qui semble fonctionner : à ce jour, 83 % des entreprises de plus de 1 000 salariés sont dotées d’un plan ou un accord. 2 045 entreprises ont par ailleurs été mises en demeure et 82 d’entre elles ont dû payer une amende. Trop peu pour l’association Osez le féminisme ! qui regrette que les sanctions restent «très théoriques», et surtout, que les noms des entreprises condamnées ne puissent être publiés. Autre grief des féministes : les modifications apportées par la loi de l’ex-ministre du Travail, qui ont, selon elles, vidé le texte de 2014 de sa substance.

Ouvrir les conseils d’administration aux femmes

C’est l’objet de la loi dite «Copé-Zimmermann», confirmée par la loi de 2014. Les grandes entreprises ont pour obligation d’ouvrir leur CA à au moins 40 % de femmes d’ici 2017. Les entreprises de 250 à 499 salariés et ayant plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ont, elles, jusqu’à 2020 pour y arriver. Les établissements publics, doivent aussi ouvrir leurs postes de cadre dirigeant à 40 % de femmes d’ici 2017.

Une mesure pas toujours bien comprise, car beaucoup de femmes ne veulent pas être des «femmes quotas», pointe Marie Donzel. Sauf qu’elle a joué un rôle central dans les entreprises, poursuit-elle : «Cela a entraîné une énorme prise de conscience au niveau de tous les échelons de l’entreprise». Reste qu’il y a encore du boulot. «On a passé un premier pallier à 20 % en 2014, et nous sommes aujourd’hui à 32 % dans les grandes entreprises. Mais j’ai peur que le seuil des 40 % soit difficile à atteindre d’ici deux ans, car les femmes ont pris du retard dans leur carrière et ne sont pas encore suffisamment nombreuses à être en position d’accéder à de tels postes», souligne Donzel. «Les inégalités dans le travail ne peuvent pas être réglées que par la loi, car la logique des discriminations est bien plus insidieuse», ajoute Osez le féminisme!

Encourager une meilleure gestion des temps de vie

«Ces questions se sont beaucoup développées dans les années 60. Mais cela a été un peu piégeux pour les femmes, car, au cours des décennies suivantes, elles ont surtout été encouragées à choisir le temps partiel», raconte Donzel. Jusqu’à ce que la question soit intégrée à une politique d’égalité professionnelle plus large (réformer des modes de garde de la petite enfance, amélioration de la répartition des tâches domestiques, politique d’articulation des temps privés et professionnels), visant aussi les hommes. Exemple avec la réforme du congé parental, en 2013, pour les inciter à s’occuper davantage des enfants. Une mesure efficace, à condition que les entreprises jouent le jeu.

Lutter contre les préjugés

«Le combat contre les stéréotypes passe d’abord par l’éducation», explique Osez le féminisme! D’où le travail du ministère de l’Education nationale, pour valoriser la mixité, mis en avant par Boistard. Côté entreprise, des efforts sont aussi faits en ce sens. Avec plus ou moins de succès. Exemple avec les formations à destination des femmes pour renforcer leur confiance en elles. «Si c’est bien fait, cela peut être utile, mais cela ne peut pas être la seule réponse», pointe Osez le féminisme! Il ne faut pas laisser les femmes croire qu’elles sont responsables de leur situation.»

 Source : Libération, Amandine Cailhol