Recours contre un contrat public : fin du suspense pour les candidats évincés

La date d’application du recours en contestation de la validité d’un contrat administratif, dit recours « Tarn-et-Garonne », n’est plus un mystère pour les concurrents évincés de la passation. Ils ne doivent respecter les conditions liées à l’introduction de ce recours que lorsqu’ils agissent contre un contrat conclu à compter du 4 avril 2014.
Les tiers évincés peuvent contester par tous moyens la validité d’un contrat administratif signé avant le 4 avril 2014. Le Conseil d’Etat l’a affirmé dans un arrêt du 5 février publié au recueil Lebon (1). En l’espèce, une société candidate évincée de la passation avait attaqué le marché à bons de commande portant sur des services de transports scolaires et réguliers de voyageurs signé entre un syndicat mixte de transports et un groupement d’entreprises. Contrairement au tribunal administratif, la cour administrative d’appel (CAA) a résilié le contrat litigieux. Le pouvoir adjudicateur porte l’affaire devant le Conseil d’Etat car elle reproche à la CAA de ne pas avoir recherché si le moyen de l’entreprise évincée pouvait être utilement invoqué.

Vice d’ordre public ou manquement aux règles de passation
La haute juridiction rappelle sa jurisprudence « Tarn-et-Garonne » (CE, 4 avril 2014, n° 358994), qui a ouvert à tous les tiers au contrat la possibilité sous conditions de contester devant le juge la validité d’un contrat administratif. Pour former ce recours dit « Tarn-et-Garonne », les tiers doivent invoquer des vices d’une particulière gravité ou des irrégularités en rapport direct avec l’intérêt susceptible d’être lésé de manière suffisamment directe et certaine (2). Lorsque le tiers est un candidat évincé de la conclusion du contrat, il doit précisément alléguer que son éviction résulte directement de manquements aux règles de passation du contrat administratif ou de vices d’ordre public (incompétence de l’autorité administrative signataire du contrat, par exemple). Le Conseil d’État persiste ainsi à préserver le délicat équilibre entre le respect des principes de la commande publique et la sécurisation juridique des contrats administratifs.

« Quelle que soit la qualité dont se prévaut le tiers »
Pour autant, la haute juridiction n’exige pas en l’espèce que l’entreprise requérante remplisse ces nouvelles conditions. La jurisprudence « Tarn-et-Garonne » étant elle-même inapplicable à l’affaire, car elle « ne trouve à s’appliquer, selon les modalités précitées et quelle que soit la qualité dont se prévaut le tiers, qu’à l’encontre des contrats signés à compter de la lecture de cette même décision », soit le 4 avril 2014. Le Conseil d’Etat clarifie la disposition sujette à interprétations contenue dans sa célèbre jurisprudence « Tarn-et-Garonne » et qui était relative à son champ d’application. En l’espèce, priment ainsi « les règles applicables avant ladite décision [« Tarn-et-Garonne »], qui permettaient à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure un contrat administratif d’invoquer tout moyen à l’appui de son recours contre le contrat ». Il s’agit de la jurisprudence « Tropic ». L’entreprise évincée pouvait donc invoquer le moyen tiré de l’illégalité de la durée de l’accord-cadre sans avoir à prouver le lien direct avec l’intérêt lésé. Le Conseil d’État écarte le pourvoi du pouvoir adjudicateur.

CE, 5 février 2016, n° 383149
Source : Le Moniteur