Examen du projet de loi Sapin 2

Les députés ont démarré l'examen du projet de loi Sapin 2 relatif à la lutte contre la corruption et la transparence de la vie économique

A noter, parmi les principales dispositions déjà adoptées :

1. La validité des chèques est réduite de un an à six mois
Les députés ont en effet voté la réduction de douze à six mois de la validité des chèques bancaires. L’objectif affiché est simple : encourager les Français à employer des moyens de paiement plus modernes tout en réduisant l’incertitude liée au délai d’encaissement du chèque.
La députée de la Réunion, Huguette Bello, a souligné que le chèque était encore un moyen de paiement utilisé de façon non « négligeable », et souvent « par des personnes aux revenus modestes qui veulent échelonner leur paiement », jugeant « regrettable » que soit porté atteinte à cela.

2. Un encadrement plus poussé du salaire des chefs d’entreprise par les actionnaires
Sans surprise, l’amendement qui rend contraignant le vote de l'assemblée générale des actionnaires en ce qui concerne la rémunération des patrons a été adopté.

3. Les députés ont aussi adopté jeudi soir un amendement qui vise à mieux protéger les biens des Etats étrangers contre les saisies.

4. L’Assemblée a également « réécrit » l’article 43 qui prévoyait d'assouplir les règles d'entrées dans certains métiers et de les ouvrir à des non-diplômés autoentrepreneurs, dès lors que l'exercice de cette profession sans formation préalable ne mettait pas le public en danger.

Commentaire FEDOM : Directement inspiré du rapport Attali sur la croissance, ce fameux article 43 visait à "faciliter la création et le développement d'activités et d'emplois par les travailleurs indépendants".
L'UPA qui se bat au contraire pour une revalorisation et une reconnaissance des métiers de l'artisanat voyait là une nouvelle forme de concurrence déloyale et un nivellement par le bas de nombreux métiers. Elle ajoutait que cette disposition était pour le moins décalée par rapport au projet du président de la République d’initier un vaste plan de formation de 500.000 chômeurs pour qu'ils acquièrent une qualification.
Au final, l'exigence d'une qualification va demeurer et il est prévu qu'un décret fixera les conditions dans lesquelles une personne qualifiée pour exercer un métier pourra être autorisée à réaliser des tâches relevant d'un métier connexe faisant partie de la même activité.
5. Enfin les députés ont voté une mesure très contestée: l'obligation pour les multinationales de publier leurs données financières «pays par pays».
Cette proposition, qui ne figurait pas dans le projet de loi initial présenté en mars, a été ajoutée en Commission des lois et consiste à rendre obligatoire l'accessibilité au grand public, de données sur l'activité des entreprises et de leurs filiales pour les pays de l'Union européenne et les paradis fiscaux... dont la liste de la Commission européenne est encore loin d'être définie.
Jusqu'alors, comme le préconise l'OCDE, seul le fisc avait accès à ces données. Il s'agit-là de rendre publics le nombre de salariés, le chiffre d'affaires, la nature des activités, les bénéfices, les impôts sur les bénéfices, les bénéfices non distribués, etc. donnant la possibilité de contrôle aux citoyens. L'obligation sera applicable aux entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur à 750 millions d'euros. Ce seuil sera néanmoins abaissé à 500 millions d'euros puis à 250 millions d'euros respectivement deux ans puis quatre ans après l'entrée en vigueur de ce dispositif.

Commentaire FEDOM : Il y a deux façons d’analyser ce vote. Ou bien on estime qu’il ne concerne que les entreprises du CAC 40 et donc pas l’Outre-mer, ou bien on considère que c’est un premier pas vers une généralisation progressive à toutes les entreprises. En tout été de cause la France est un des premiers pays à valider la publicité des comptes. Le MEDEF considère qu’il s’agit d’un «suicide» économique car, en affaires, trop d'informations tue la concurrence. Une telle situation créerait ce qu'on appelle de l'«asymétrie d'informations» qui serait «préjudiciable pour les entreprises françaises et européennes» par rapport au reste du monde. «Que la France se mette toute seule à ouvrir les livres de toutes ses entreprises est suicidaire, poursuit le MEDEF qui accepterait une telle règle du jeu si elle était appliquée partout dans le monde.
Pour rappel, en décembre dernier, le secrétaire d’état au Budget Christian Eckert s’était opposé à un amendement semblable.
Selon les observateurs politiques, cette fois-ci, le gouvernement n'a pas voulu fâcher l'aile gauche du Parti socialiste et les écologistes.

Source : La lettre de la FEDOM n° 213 du 13 juin 2016