Ingénierie et évolutions numériques : ça phosphore sur les aspects juridiques

L’arrivée de la maquette numérique dans le bâtiment soulève un grand nombre de questions juridiques. Syntec Ingénierie a fait un point pour ses adhérents et annonce un guide didactique à destination des maîtres d’ouvrage.

Quelle propriété intellectuelle dans la maquette numérique, à qui appartiennent les données qui en sont issues, comment s’assurer un bon stockage des données… ? Les questions juridiques gravitant autour du BIM pullulent. Pour l’instant, difficile de trouver toutes les réponses. Syntec Ingénierie, fédération qui regroupe les ingénieristes, vient de consacrer une journée d’échanges aux transformations numériques des pratiques de l’ingénierie pour tenter d’avancer.

Intégrer une commande BIM dans un contrat de maîtrise d’œuvre

La maquette numérique modifie la place de l’ingénierie. « Avec le BIM, certains éléments d’un projet sont anticipés. Le niveau de détail est plus poussé et plus précis dans les dossiers de consultation des entreprises car nous faisons déjà des études, notamment d’exécution. La répartition du travail entre les entreprises et la maîtrise d’œuvre se déplace un peu », a ainsi expliqué Christophe Mérienne, président de la commission juridique de Syntec-Ingénierie, lors de cet atelier qui a eu lieu le 26 novembre à Paris. Un projet en BIM ne va pas plus vite (les étapes d’un projet restent les mêmes), mais la qualité s’en trouve améliorée.

Syntec Ingénierie publiera prochainement un guide sur la maquette numérique à destination des maîtres d’ouvrage pour les aider à mieux comprendre ce qu’est ce nouvel outil, à adopter une démarche structurée pour entreprendre un tel projet. Le guide fera également quelques recommandations pour intégrer une commande de BIM dans un contrat de maîtrise d’œuvre.

Nouvelle mission

Une nouvelle fonction est apparue : celle de BIM Manager. Celui-ci coordonne le projet BIM. Mais sa mission va bien au-delà : description des processus BIM, élaboration et suivi d’une convention BIM… Les maîtres d’ouvrage devraient donc, selon Syntec Ingénierie, y consacrer les moyens nécessaires (sans que cette fonction revienne nécessairement à la maîtrise d’œuvre). Cela permettrait d’accorder la rémunération afférente à cette mission au bon titulaire…

Œuvre collaborative

Autre changement : les acteurs de l’ingénierie doivent travailler de manière collaborative avec d’autres acteurs du bâtiment (architectes, entreprises…), mais vont devoir aussi échanger avec des acteurs venus d’horizons totalement différents issus par exemple du monde des télécoms pour le logement connecté. Le BIM devient une « œuvre collaborative avec plusieurs acteurs et sème le trouble en matière de propriété intellectuelle » a par exemple relevé l’avocat Xavier Pican du cabinet Lefèvre Pelletier & Associés, chargé de la mission « Droit du Numérique & Bâtiment » sur les implications juridiques du numérique dans le secteur du bâtiment. « Il y a un choc de culture entre tous les intervenants : promoteurs, acteurs de la domotique, des télécoms, de la gestion de parking… L’enjeu est de faire travailler tout ce monde ensemble et faire converger les différentes garanties » liées à chacun. « Un effort normatif ne serait pas d’une grande aide, c’est le contrat qui sera le plus important », prévoit Xavier Pican.

Contrats complexes

Mais de fait, les contrats passés entre les différents acteurs d’un projet seront complexes et pilotés par un BIM manager au profil lui aussi particulier puisque devant connaître le monde de l’immobilier, les problématiques du monde numérique, être gestionnaire de projet… « Il y aura parfois besoin de souplesse dans le management de la maquette pour pouvoir faire évoluer les choses en cours de projet sans que cela n’aille contre la maquette», avertit Xavier Pican. La gouvernance dans les contrats sera donc également un point essentiel à aborder.

Des données à valoriser

Outre les aspects liés à la sécurité informatique, au stockage des données dans des espaces de « cloud », un projet en maquette numérique doit anticiper le devenir des données que celle-ci va générer : quelles données vont être intégrées dans la maquette, comment ne pas les perdre au fil du temps, quel traitement pour les données personnelles relatives aux intervenants sur les chantiers et aux usagers des bâtiments, à qui appartiendront les informations collectées à partir des objets connectés (par exemple un compteur Linky) ? Pour Xavier Pican, la « valeur est là ». Un nouveau business model est à inventer. L’investissement dans la maquette numérique et dans le carnet numérique du bâtiment génère de la donnée qui aujourd’hui a une valeur et peut donc générer un retour sur investissement et apporter une réponse sur qui doit payer les divers élements lors de la mise en place d’une maquette numérique.

Afin d’y voir plus clair sur les implications juridiques liées au développement du numérique dans le bâtiment, Xavier Pican vient d’ailleurs de lancer une consultation nationale (ouverte jusqu’au 20 décembre). Chacun peut y donner son avis : http://www.lemoniteur.fr/article/droit-du-numerique-et-batiment-lancement-d-une-consultation-nationale-30577482

Source : Le Moniteur 1er décembre 2015