La ministre n'a pas rassuré les patrons du BTP

George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, a annoncé des fonds, des agréments de Bercy et de nouvelles exonérations de charge pour le secteur du BTP.

Les patrons des fédérations régionales du BTP des DOM (à l'exception de Mayotte) ont été reçus par la ministre des Outre-mer vendredi dernier à Paris pour tenter de relancer la commande publique, alléger les charges sociales et fluidifier les dossiers de défiscalisation pour le logement.
« On a beaucoup de retard de règlements des collectivités, cinq à six mois. Or, la loi nous oblige à payer nos fournisseurs à trente jours, d'être en règle de nos attestations fiscales et sociales. En face, que ce soit le préfet, que ce soit l'Etat, ils ne font pas grand-chose pour qu'on soit payés... » Philippe Sainte-Rose, patron de la fédération des métiers de la construction (la FEMEC), était avec ses homologues des DOM à Paris vendredi pour s'entretenir avec George Pau-Langevin de la situation du bâtiment qui préoccupe tant les professionnels que le gouvernement, après une semaine de conflit à la Réunion. Au menu, les exonérations de charges sociales, le logement social et intermédiaire, la solvabilité des entreprises et le recouvrement des sommes qui leur sont dues.
Aux questions urgentes, les réponses urgentes : la ministre a annoncé qu'elle verrait très vite (avant son départ pour la Nouvelle-Calédonie, le 28 avril ou la semaine d'après) le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert pour obtenir le déblocage de 13 dossiers de défiscalisation pour 180 logements sociaux. Sept dossiers concernent la Réunion, trois la Guadeloupe, deux la Guyane et un la Martinique. Ces dossiers sont prêts mais connaissent des problèmes de démarrage et d'agrément de Bercy.
LOURDES MENACES SUR L'EMPLOI
D'autres dossiers connaissent des problèmes de financement et certains se retrouvent à l'arrêt. Pour ces cas, l'Agence française de développement va intervenir. « Sans cela, ce sont encore 300 salariés qui vont de retrouver à la rue » , avance Bernard Siriex, président de la FRBTP Réunion. Dans l'entreprise de Philippe Sainte-Rose, il y a déjà le feu : « Dans mon entreprise, nous mettons en place un plan de licenciement.... » La profession a déjà perdu 3000 emplois depuis 2008 et, selon l'observatoire de la commande publique de la FEMEC, les ventes de ciment ont chuté de près de 35% depuis six ans.
D'autres mesures complètent ce premier déblocage : « J'ai demandé aux préfets, a encore indiqué la ministre, de procéder à des mandatements d'office parce que certaines collectivités ont du mal à payer les entreprises ou simplement parce que les délais de paiement sont trop longs » . Les préfets devaient avoir, dès vendredi, réuni les comités de la commande publique et fait l'inventaire des dossiers à l'arrêt pour procéder dans les meilleurs délais aux mandatements d'office. « La commande publique a été stoppée six mois avant les élections de décembre, regrette la FEMEC, et elle ne va pas redémarrer avant juin ou juillet, ce qui fait qu'avec la mise en place des appels d'offres, l'année 2016 va être une année blanche » .
Ajoutées à cela, les déficiences de la Banque publique d'investissement (Bpi France) dans le préfinancement des projets... George Pau-Langevin a promis de « peser de tout son poids pour que les dettes des collectivités ne pèsent pas sur les entreprises » . « L'Etat finance à 80% la résorption de l'habitat insalubre, constate M. Sainte-Rose, mais les collectivités n'ont pas les moyens de faire le préfinancement ... » « C'est déjà trop tard pour beaucoup d'emplois et beaucoup d'entreprises martiniquaises » , soupire M. Sainte-Rose. Malgré les annonces du gouvernement, les professionnels du BTP de la Martinique annoncent des mobilisations d'entreprises d'ici la semaine prochaine, cette fois, à l'adresse de la Collectivité Territoriale de Martinique.
Le président de la FRBTP ne semblait pas emballé au sortir de cette réunion. Il rencontrera ses adhérents d'ici la fin de la semaine prochaine pour décider d'éventuelles suites à donner à leur mobilisation... D'autres réunions sont prévues en Martinique, mais également à Paris.
F-X.G, à Paris
Des dossiers qui mettent trois ans à aboutir
Le ministère a mandaté un expert, M. Bert qui, d'ores et déjà, examine les mesures de simplification à prendre pour faciliter la défiscalisation et le crédit d'impôt. « Nous voyons bien qu'il y a là un vrai sujet, poursuit George Pau-Langevin, avec des dossiers qui mettent deux ou trois ans pour aboutir. Peut-être que toutes les vérifications auxquelles procèdent les administrations les unes après les autres sont pour certaines superfétatoires. » Elle voudrait pouvoir, dès la mi-juillet, mettre en oeuvre les principales préconisations du rapport Bert. La ministre devrait recevoir ce haut fonctionnaire en mission dès la semaine prochaine. Sur la question des charges sociales, les professionnels ont demandé un effort d'exonérations supplémentaires de 2% à compter du 1er avril 2016. Il est vrai qu'en 2009, lors de l'examen de la loi de développement de l'Outremer, les professionnels du BTP n'avaient pas cru utile d'inscrire leur activité dans le secteur surprotégé... « Nous allons essayer, achève George Pau-Langevin, de voir comment le BTP peut désormais intégrer les secteurs exposés à la concurrence, ceux pour lesquels le gouvernement a rehaussé le crédit d'impôt compétitivité emploi à 7,5%. » Ce devrait être effectif dans la prochaine loi de finances.
 
Source : France-Antilles du 26 avril 2016