Les mesures de la loi République numérique qui entrent en vigueur pour le BTP

La loi pour une République numérique a été publiée au « Journal officiel » du 8 octobre. De nombreuses dispositions impactant entreprises et personnes publiques sont d’application immédiate. Dix jours après son adoption définitive au Parlement, la loi pour une République numérique est entrée en vigueur le 9 octobre. Elle ouvre largement les données publiques en vue de favoriser la transparence, améliorer les services publics et générer de nouvelles activités économiques.Ces données doivent permettre de générer des services innovants, en matière de gestion de l’énergie, notamment. Mais cette loi concerne aussi l’architecture, la fibre optique ou encore le suramortissement.

Ouvrir plus largement les données publiques constitue l’une des dispositions phares de la loi pour une République numérique définitivement adoptée par le Sénat le 28 septembre 2016. Le texte consacre la notion de « données d’intérêt général ». Celles-ci sont notamment produites par des entreprises privées, les services de statistiques ou la recherche publique, et leur publication doit améliorer les politiques publiques. La loi prévoit des mesures favorables aux entreprises notamment pour les inciter à investir dans la fibre optique et elle sécurise les usages électroniques (recommandé, coffre-fort numérique, dématérialisation des contrats, etc.). Enfin, les travaux liés au déploiement de la fibre optique pour les collectivités locales et pour les particuliers sont simplifiés. Tour d’horizon des principales mesures impactant le BTP.

Délégations de service public (DSP)
Parmi les « données d’intérêt général » figurent celles relatives aux DSP (déchets, eau, transport, autoroutes, etc.). Les concessionnaires de service public doivent désormais fournir à l’autorité publique concédante les données et les bases de données indispensables à l’exécution du contrat (art. 17), collectées ou produites à l’occasion de l’exploitation du service (données de consommation, opérations d’entretien, durée d’utilisation, usure, par exemple). Ces données doivent être transmises “sous format électronique, dans un standard ouvert librement réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé”. L’autorité concédante peut les exploiter librement pour les mettre à disposition gratuitement en vue de leur réutilisation. Objectifs : assurer la transparence dans la gestion du service public, conforter le rôle de la collectivité publique comme autorité organisatrice, améliorer la remise en concurrence et nourrir de nouveaux usages et services.
 
Pour rappel, si le délégataire doit remettre chaque année à l’autorité concédante un rapport annuel, ce dernier n’était pas systématiquement mis en ligne par les collectivités. Avec cette loi, on passe d’une simple obligation de publier les données relatives aux contrats à celle de publier les données produites dans le cadre de l’exécution de la DSP. Toutefois, l’autorité concédante peut, dès la conclusion du contrat ou au cours de son exécution, exempter le concessionnaire de cette obligation par une décision publique motivée et fondée sur des motifs d’intérêt général.
 
L’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession est modifiée en ce sens. Seules les DSP lancées à compter de l’entrée en vigueur de la loi sont concernées. Pour les contrats passés avant cette date, les autorités concédantes peuvent exiger du concessionnaire la transmission de telles données uniquement pour préparer le renouvellement du contrat.
 
Services publics industriels et commerciaux (SPIC)
La loi ouvre l’accès à d’autres données publiques précieuses : celles des services publics industriels et commerciaux (SPIC) comme la distribution d’eau potable, les parcs de stationnement, etc. Pour rappel, les SPIC peuvent être gérés par l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements, les établissements publics industriels et commerciaux (SNCF, RATP, Ademe, etc.) ou par certaines personnes de droit privé. Les SPIC étaient jusqu’à présent exclus du champ d’application du principe général de libre réutilisation des informations publiques. Les informations produites ou reçues dans le cadre de leurs missions pourront être désormais librement réutilisées (art. 11), comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour les services publics administratifs.
 
Données de l’énergie
Les données relatives à la production et aux consommations d’électricité et de gaz doivent également être ouvertes sous format électronique (art. 23). Agrégées et anonymisées au préalable, elles devraient permettre de booster l’activité par la création de services innovants.
 
Données issues de la recherche scientifique
Le libre accès aux données de recherche scientifique publique permettra à l’ensemble des acteurs d’accéder librement à une quantité accrue de données scientifiques. Désormais, un chercheur dont la moitié des travaux sont financés par la puissance publique peut mettre en ligne gratuitement la version finale de son manuscrit (art. 30). La réutilisation de ces données est également libre.
 
Diffusion obligatoire de documents administratifs
Par ailleurs, la loi étend les obligations des personnes publiques à diffuser spontanément leurs documents administratifs lorsqu’ils sont disponibles sous forme électronique. Ainsi, les collectivités locales de plus de 3 500 habitants devront notamment mettre en ligne à échéances progressives les documents déjà communiqués à une personne privée (pièces d’un marché public par exemple) six mois après la promulgation de la loi, ceux figurant dans le répertoire des informations publiques (rapports, études, ouvrages en matière de marchés publics, d’entreprises, etc.) dans un an, et enfin les autres documents (bases de données et données dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental) au plus tard dans les deux ans (art. 6). Les documents comportant des données à caractère personnel sont anonymisés et les exceptions liées notamment aux données couvertes par le secret industriel et commercial subsistent.
 
Objectifs : augmenter le volume de documents administratifs en ligne afin d’accroître la transparence, améliorer les services publics et stimuler le développement de nouvelles activités économiques.
 
Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du Numérique, et Estelle Grelier, secrétaire d’Etat chargée des Collectivités territoriales ont d’ailleurs confié à l’association OpenData France la mission d’identifier les informations ayant vocation à être publiées et de dimensionner le dispositif d’accompagnement des collectivités locales pour l’ouverture de leurs données.
 
Un nouveau service public de la données
Un service public étatique de la donnée est créé pour organiser la production, la qualité et la circulation des « données de référence » (art. 14). Elles sont par définition disponibles, largement diffusées et utilisées par une pluralité d’acteurs, et reconnues par l’Etat. Il s’agit surtout de « faciliter la réutilisation de ses principales bases de données par les acteurs publics ou privés (entreprises, associations, chercheurs…), en leur garantissant un niveau de qualité de service, explique Axelle Lemaire. L’Etat garantira ainsi à tous les utilisateurs un haut niveau de précision, de disponibilité horaire ou de mise à jour des données. Cela bénéficiera par exemple aux startups utilisant la base des adresses pour créer un nouveau service de distribution à domicile ou aux particuliers souhaitant consulter des données cadastrales précises pour une demande de permis de construire. »
 
Les projets « marchés publics simplifiés » (MPS) et « aides publiques simplifiées » (APS) s’appuient sur la base SIRENE, registre des entreprises. Ce dernier pourrait, comme le cadastre ou la base d’adresses nationale collaborative, figurer au nombre des données de référence. D’autant plus qu’aujourd’hui, selon l’étude d’impact du texte, « les dispositifs MPS ou APS nécessitent la donnée en temps réel et ne peuvent accepter, ce qui est arrivé à plusieurs reprises ces derniers mois, une indisponibilité de ces bases durant des périodes allant jusqu’à plusieurs heures avec des périodes de maintenance programmées durant les heures administratives ouvrées. Ceci est particulièrement sensible pour les matières où la contrainte de respect des délais pour l’utilisateur est primordiale comme c’est le cas pour les marchés publics ».
 
Un décret en Conseil d’État doit préciser les modalités de participation et de coordination des différentes administrations publiques à la mise à disposition de ces données.
La création de ce service est « une évolution historique du métier des administrations concernées à l’ère du numérique : leurs bases de données ne devront plus être entretenues seulement pour leurs missions de service public historique (collecter les impôts, distribuer le courrier, établir des statistiques,…) mais aussi pour tous les nouveaux usages que d’autres utilisateurs souhaiteront en faire », affirme la ministre chargée du Numérique.
 
Bases de données sur les prix de l’immobilier
À partir du 1er avril 2017, le service étatique « Demande de valeurs foncières » (DVF) sera accessible aux professionnels de l’immobilier et aux entreprises dont le modèle économique est fondé sur la diffusion et la production d’informations immobilières (art. 24). Par ailleurs, la loi habilite le Gouvernement à simplifier les ventes immobilières via la dématérialisation des documents inhérents à ses transactions (art. 103).
 
Autre nouveauté : les documents relatifs à la gestion du domaine privé de l’État et des collectivités territoriales, notamment les réserves foncières et certains biens immobiliers à usage de bureau, leurs sont désormais accessibles (art. 10). Une aubaine pour les aménageurs…
 
Obligation de transmission des données entre administrations publiques
Autre nouveauté non négligeable pour les administrations : l’Etat, les collectivités territoriales, et les autres personnes de droit public ou de droit privé ont désormais l’obligation de communiquer leurs documents administratifs (dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, avis, décisions, etc.) aux administrations qui en font la demande pour l’accomplissement de leurs missions de service public (art. 1er). Ils peuvent être utilisés pour l’accomplissement d’autres missions de ce type. Ces échanges d’informations publiques devront être gratuits à compter du 1er janvier 2017. Les exceptions liées aux documents non communicables (articles L. 311-5 et L. 311-6 du Code des relations entre le public et l’administration) et aux données couvertes par le secret protégé subsistent.
 
Exercice du droit à communication par la publication
Notons que le droit d’accès aux documents administratifs peut désormais s’exercer par la mise en ligne des informations par l’administration publique si le demandeur l’a choisi et que les possibilités techniques le permettent (art. 3). Cette faculté s’ajoute aux pratiques existante de la consultation gratuite sur place, de la délivrance d’une copie et de l’envoie par courrier électronique actuellement.
 
Mise à disposition du public des jugements des juridictions administratives et judiciaires
Par ailleurs, les articles 20 et 21 imposent de mettre à disposition du public les jugements des juridictions administratives et judiciaires. Un décret en Conseil d’Etat en fixera les modalités.
 
Application du principe « Dites-le nous une fois » aux particuliers
Autre nouveauté en matière d’échange de données : les articles 90 et 91 étendent aux particuliers le principe qui réduit la redondance des informations demandées par les administrations publiques aux entreprises. Ainsi, sur la base du principe “Dites-le-nous une fois”, dès lors qu’un document est détenu par une administration, une autre entité publique doit l’obtenir auprès de la première et ne peut le redemander à l’administré. Ce principe qui existe déjà pour les entreprises depuis 2014 a permis de simplifier 17 formulaires sur des événements prioritaires de leur vie tels que les marchés publics, le recrutement d’un salarié ou les obligations fiscales.
 
ENTREPRISES
Prolongation et extension du suramortissement
Sans surprise, le dispositif de suramortissement des investissements global (avantage fiscal exceptionnel permettant de déduire du bénéfice imposable 40 % du prix de revient du bien linéairement sur la durée d’amortissement), initié par la loi Macron, est prolongé jusqu’au 14 avril 2017 (art. 75).
 
Les matériels du bâtiment et des travaux publics concernés par le prolongement de la mesure sont les suivants : pompes mobiles pour coulage du béton, grues, grues lourdes sur chenilles, camions porteurs de pompes à béton, nacelles élévatrices, pelles rail-route, camions gravillonneurs, chargeuses et pelles à pneus, matériels de concassage et de criblage, compresseurs et groupes électrogènes, matériels de marquage, moules pour escaliers en béton, matériels de coffrage et d’étaiement pour la réalisation de dalles et cloisons en béton, excavatrices, foreuses sur chenilles, trancheuses, centrales de préparation de boue bentonitique ou de coulis d’injection avec leurs silos et pompes d’injection. 
 
De plus, le dispositif est étendu à la fibre optique, aux logiciels contribuant à des opérations industrielles de fabrication et de transformation (logiciels de conception notamment) et au matériel informatique.
 
Recommandé électronique
Le recommandé électronique se généralise. Il acquièrt une valeur juridique équivalente au recommandé postal, souvent utilisé en procédure judiciaire (art. 93). Pour rappel, le recommandé électronique obéissait à deux régimes différents selon qu’il était utilisé pour la conclusion/l’exécution d’un contrat ou pour la saisine de l’administration par voie électronique. La loi abroge les dispositions existantes dans le Code civil en la matière et bâti un nouveau cadre général. Un décret en Conseil d’État fixera les modalités d’application (exigences requises en matière d’identification, de preuve du dépôt des données et de leur réception, etc.). Objectifs : apporter un cadre juridique harmonisé au recommandé électronique, assurer sa remise au destinataire et développer les usages de ce vecteur de la dématérialisation.
 
Coffre-fort numérique
Un label de coffre-fort numérique «conforme à la loi République numérique» va être créé afin de valoriser les offres de service sérieuses au regard de la diversité des prestations plus ou moins sécurisées existantes sur le marché (art. 87).
 
Dématérialisation des documents de certains contrats
Le Gouvernement est habilité à prendre, dans l’année suivant la promulgation de la loi, des mesures pour permettre au client d’échanger par voie dématérialisée « sur un support durable et accessible » des documents d’un contrat régi par le Code des assurances et le Code de la consommation notamment (art. 104). Ou encore des mesures pour conclure ou modifier ces contrats, le cas échéant via une signature électronique. Régie par le Code des assurances, les contrats passés en matière d’assurance des travaux de construction sont donc concernés.
 
L’objectif est de substituer les documents écrits sur papier par des supports dématérialisés en garantissant au client une protection au moins équivalente. Le Gouvernement doit prendre un telle ordonnance l’année suivant la promulgation de la loi, et déposer un projet de loi de ratification devant le Parlement cinq mois après la promulgation de l’ordonnance.
 
Identité numérique
Autre habilitation gouvernementale : la mise en cohérence du cadre juridique de l’identification électronique au regard du règlement européen eIDAS qui vise à faciliter l’émergence du marché unique numérique. Objectif : faciliter son usage notamment dans le cadre de transactions commerciales ou d’échanges entre particuliers et professionnels ou encore avec les autorités publiques (art. 86).
 
Les ordonnances en ce sens doivent être prises par le Gouvernement dans un délai de 12 mois à compter de la promulgation de la loi. Le projet de loi de ratification de l’ordonnance devra être déposé devant le Parlement dans les trois mois suivant la publication de chaque ordonnance.
 
 
TRAVAUX ET ARCHITECTURE
 
Création du statut de zones fibrées
Un statut pour les zones fibrées devrait être créé par décret pris d’ici à juillet 2017 (art. 71). Il serait accordé aux territoires entièrement reliés à la fibre optique pour bénéficier d’allégements en matière de raccordement ou d’entretien du réseau cuivre existant. Par exemple, les immeubles neufs n’ont déjà plus à être raccordés à ce dernier. Objectif : organiser la transition du réseau cuivre vers la fibre optique.
 
Travaux dans les copropriétés
Afin de faciliter le déploiement du très haut débit, les syndicats de copropriétaires ne peuvent plus s’opposer « sauf motif sérieux et légitime » au raccordement d’un immeuble existant à la fibre optique (art. 74). De plus, il est possible d’utiliser les goulottes existantes des réseaux déployés en façade et sur les murs des immeubles pour y faire passer la fibre optique (art. 73)
 
Fonds de compensation de la TVA
Une bonne nouvelle pour les collectivités locales et leurs groupements : sont désormais éligibles au fonds de compensation de la TVA (FCTVA) leurs dépenses d’investissements, réalisées sur la période 2015-2022 sous maîtrise d’ouvrage publique, pour l’installation de pylônes de téléphonie mobile (art. 72).
 
Liberté de panorama
Enfin, la loi modifie légèrement le Code de la propriété intellectuelle en matière de reproduction et de représentation d’œuvres architecturales. La loi permet désormais de les diffuser pour des usages non commerciaux (art. 39). En revanche, la prise de photos d’œuvres architecturales reste interdite si elle est réalisée dans un but commercial sans l’autorisation préalable de l’architecte ou de ses ayants droit.
 
Par Nohmana Khalid et Julie Nicolas
Source : Le Moniteur