Prêt illicite de main d’œuvre : appréciation souveraine et qualification

Une entreprise de travaux publics et son directeur salarié sont poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs de marchandage, prêt illicite de main-d’œuvre et infractions à la législation sur le travail temporaire, pour avoir employé des travailleurs détachés, mis à disposition par une société d'intérim de droit polonais, en méconnaissance des règles régissant le travail temporaire, notamment en renouvelant certains contrats de travail plus d'une fois ou sans respecter les délais de carence entre deux missions, pourvoyant ainsi des postes permanents pour une durée de trois ans et plus. Les juges du premier degré les renvoient des fins de la poursuite et le ministère public a relevé appel de la décision.
La cour d’appel de Bordeaux infirme le jugement, après avoir écarté l'argumentation des prévenus, qui soutenaient notamment que les dispositions du Code du travail incriminant le marchandage et le prêt illicite de main-d’œuvre ne sont pas applicables aux opérations de détachement temporaire de salariés par une entreprise non établie en France, lesquelles relèvent de règles spécifiques, et déclare les intéressés coupables des faits, retenus sous les seules qualifications de marchandage et prêt illicite de main d'œuvre constituant leur plus haute acception pénale.
La chambre criminelle de la Cour de cassation juge que énonciations procèdent de l'appréciation souveraine des juges sur les faits et circonstances de la cause, d'où il résulte que l'opération de prêt de main d'œuvre litigieuse, qui a permis de pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, relève d'une fraude à la loi sur le travail temporaire ayant eu pour effet d'éluder l'application des dispositions protectrices relatives au contrat de travail, ce dont se déduisent, d'une part, le caractère lucratif de l'opération, d'autre part, le préjudice causé aux salariés concernés.

Source : La Gazette du Palais