Loi Travail: le nouveau texte en 13 mesures clés

Plus de souplesse pour l'entreprise en matière de temps de travail, des critères de licenciement économique différenciés... Après la reprise en main du gouvernement, voici ce qu'il reste du projet de la loi El Khomri adopté le 12 mai par l'Assemblée.
 
La motion de censure de la droite ayant été rejetée, le projet de loi "visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s", a été adopté jeudi 12 mai en première lecture par l'Assemblée, via le recours au 49.3 par le gouvernement. Pour dessiner cette nouvelle version, le gouvernement a retenu 469 amendements sur les plus de 5000 déposés par les députés. 
 
Parmi eux, plusieurs viennent du rapporteur PS Christophe Sirugue. Exemple: renoncer à restreindre le périmètre géographique des difficultés d'un groupe pour les licenciements économiques et conserver un prisme international. 
 
Autre demande du rapporteur prise en compte: l'exécutif a également renoncé à la surtaxation des CDD, un temps envisagée par le premier ministre pour satisfaire les organisations de jeunesse, mais qui avait aussitôt suscité l'ire du patronat. De quoi calmer ce dernier: la CGPME et le Medef se sont très vite félicités de ce recul. La modulation des cotisations sur les CDD reste négociée par les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation sur l'assurance-chômage, comme le prévoit la loi de sécurisation sur l'emploi de 2013.  
Ce qui va changer
 
Figure cependant l'un des points les plus contestés par une partie de la gauche et des syndicats : la primauté des accords d'entreprise sur les accords de branche. Ces derniers dénoncent une inversion de la hiérarchie des normes, chère au Medef. François Hollande a estimé jeudi que le projet de loi ne devait pas remettre en cause les "principes fondamentaux" du droit du travail...  
 
Conséquences du passage en force: des manifestations ont eu lieu un peu partout en France pour demander le retrait du projet de loi, à l'appel des syndicats CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL et Fidl.  
 
Prochaine étape: le texte sera examiné au Sénat à partir du 13 juin. Que contient-il? Voici ses mesures clés.  
 
1 • Code du travail 
 
Création d'une commission chargée de proposer au gouvernement d'ici deux ans une refondation du Code du Travail. 
 
2 • Temps de travail 
 
La durée légale du travail reste de 35 heures, mais les accords d'entreprise prévoyant des aménagements priment dans la plupart des cas. Le projet de loi El Khomri donne aux entreprises plus de souplesse en matière de droit du travail, à condition qu'elles parviennent à des accords d'entreprise majoritaires.  
 
La durée maximale quotidienne de travail (10 heures) peut être portée à 12 heures maximum, en cas d'activité accrue ou pour des motifs liés à l'organisation de l'entreprise. 
 
La possibilité de passer à une moyenne hebdomadaire de travail de 46 heures (au lieu de 44) sur 12 semaines, qui nécessite actuellement accord de branche et décret, est assouplie: un accord d'entreprise suffira.  
 
Un accord d'entreprise pourra aussi fixer un taux de majoration des heures supplémentaires qui ne pourra être inférieur à 10%, au lieu des 25% généralement pratiqués par les branches.  
 
En vertu des amendements finalement retenus, les branches dresseront chaque année un bilan des accords d'entreprise et pourront formuler des "recommandations", veillant notamment aux conditions de concurrence intra-branche. 
 
3 • Congés, protection et sexisme 
 
Le congé exceptionnel d'un salarié en cas de décès d'un enfant est porté de deux à cinq jours. Celui pour la mort des parents et beaux-parents, d'un frère ou d'une soeur, passe d'un à deux jours. 
 
La période d'interdiction du licenciement pour les mères revenant de congé maternité est allongée de 4 à 10 semaines. 
 
Mesures pour mieux lutter contre les agissements sexistes au travail.  
 
4 • Référendum d'entreprise 
 
Un accord d'entreprise devra être "majoritaire" (signé par des syndicats représentant plus de 50% des salariés aux élections professionnelles). Faute de majorité, les syndicats minoritaires (représentant plus de 30%) pourront demander un référendum pour valider l'accord.  
 
5 • Accords "offensifs" 
 
Le projet de loi entend permettre aux entreprises d'ajuster leur organisation pour "préserver ou développer l'emploi". L'accord majoritaire signé primera sur le contrat, y compris en matière de rémunération et durée du travail. La rémunération mensuelle du salarié ne pourra être diminuée, mais des primes par exemple pourront être concernées. 
 
Les salariés refusant de tels accords feront l'objet d'un licenciement pour "motif spécifique", qui suivra la procédure d'un licenciement individuel pour motif économique, mais sans les mesures de reclassement. Ces salariés bénéficieront d'un "parcours d'accompagnement personnalisé", assuré par Pôle Emploi et financé pour l'essentiel par l'Etat.  
 
6 • Licenciement économique 
 
Les critères des licenciements économiques sont précisés dans la loi et différenciés selon la taille des entreprises.  
 
Il pourra y avoir licenciement économique en cas de "baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires", en comparaison avec la même période de l'année précédente. Il faudra que cette baisse soit d'au moins un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés, deux trimestres consécutifs pour une entreprise de 11 à moins de 50 salariés, trois trimestres pour une entreprise de 50 à moins de 300 salariés, quatre trimestres pour une entreprise de 300 salariés et plus. 
 
Le périmètre d'appréciation des difficultés économiques d'une entreprise reste celui actuel, fixé par la jurisprudence, avec une appréciation au niveau international. Le projet initial prévoyait de restreindre le périmètre aux filiales françaises pour un groupe, faisant craindre des abus. 
 
7 • Compte personnel d'activité 
 
Présenté comme une grande réforme sociale du quinquennat, le CPA regroupera, à partir de 2017, le compte personnel de formation (CPF), le compte pénibilité (C3P) et un nouveau "compte d'engagement citoyen". Il sera ouvert aux retraités. 
 
Une concertation sera engagée avec les partenaires sociaux avant le 1er octobre 2016 sur d'autres dispositifs pouvant être intégrés dans le CPA. 
 
8 • Garantie jeunes 
 
Pour les jeunes ni en emploi, ni en étude, ni en formation, généralisation dès 2017 du "droit" à la garantie jeunes, sous condition de ressources: accompagnement renforcé vers l'emploi et allocation mensuelle de 461 euros, pendant un an. 
 
Par ailleurs, pour les moins de 28 ans diplômés depuis moins de trois mois, création d'une aide à la recherche du premier emploi, accordée durant quatre mois. 
 
9 • Moyens syndicaux et représentation patronale 
 
Hausse de 20% des heures accordées aux délégués syndicaux. 
 
Transcription de l'accord conclu entre les organisations patronales sur la mesure de leur audience. 
 
10 • Déconnexion 
 
A partir de 2017, les modalités du "droit à la déconnexion" feront partie des sujets abordés lors de la négociation annuelle en entreprises. 
 
11 • Médecine du travail 
 
Plus de visite médicale à l'embauche systématique, sauf pour les postes à risque. 
 
12 • Lutte contre le détachement illégal 
 
Renforcement des obligations des maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordre en cas de recours à des prestataires établis à l'étranger et transposition partielle de la proposition de directive européenne sur les travailleurs détachés, concernant l'intérim. 
 
13 • PME-TPE 
 
Création d'un "service public territorial de l'accès au droit" pour aider notamment les entreprises de moins de 300 salariés. Une entreprise ayant suivi les procédures prescrites par l'administration pourra attester de sa bonne foi. 
 
Les branches pourront négocier des accords-types applicables unilatéralement par les employeurs d'entreprises de moins de 50 salariés. 
 
Dans les entreprises sans représentation syndicale, les employeurs pourront négocier avec des salariés mandatés par un syndicat sur tout sujet pouvant faire l'objet d'un accord. 
 
Source : l'Express