Conquérir l’engagement “Faites ce qu’ils font, pas ce qu’ils disent

Dans notre précédent article, nous avons parlé du lien entre management de la performance et engagement. Cette semaine, nous nous intéressons à la manière dont le/la manager représente son entreprise.

Dans les mondes du travail, on est engagé dans un poste donné, mais aussi par rapport à une entreprise. L’identité du travailleur est liée à l’organisation qu’il fréquente. C’est ainsi que naissent les “Danoneurs”, les “Totaliens” ou autres membres de “la Maison” (chez Michelin) !

Cela concerne-t-il le management ? Oui : parce que, si c’est le collectif qui crée l’identité, c’est le manager qui la représente. En effet, sa position lui confère une visibilité (il voit plus loin de même qu’on le voit de plus loin) qui l’expose. Peut-il s’appuyer sur ce pouvoir pour renforcer l’engagement de ses collaborateurs ? Il lui faudrait alors distinguer la manière dont il “défend” (stratégie), “incarne” (culture) et “personnifie” (sens du travail) son entreprise.

“Défendre” l’entreprise : ne pas confondre leader et dealer

Pour ses collaborateurs, le manager est dépositaire des décisions de sa hiérarchie. C’est donc à lui que revient le difficile devoir de les en convaincre… Il est même souvent exigé qu’il les embarque à tout prix, quel que soit son assentiment. A ce niveau, ce sont de véritables qualités de leadership dont il a besoin, pour défendre une vision qu’il n’a pas forcément contribué à forger ; bref, pour “vendre du rêve” avec l’opium de quelqu’un d’autre !

Ceci étant, le management “de proximité” ne requiert pas nécessairement cette qualité. Un tel leadership est d’abord une question de charisme ; et même Jean-Marie Peretti (qui appelle pourtant à devenir “Tous leaders”) conseille de travailler sa “zone d’influence” plutôt que son charisme. A défaut de devoir défendre à tout prix les décisions de sa hiérarchie (les collaborateurs sont généralement conscients des limites au pouvoir de leur manager), le/la manager peut élargir son influence autrement.

“Incarner” l’entreprise : la culture par l’exemplarité

Notamment en “incarnant” la culture de son entreprise. La “culture” s’entend ici comme un ensemble de comportements influencés par la spécificité d’une organisation : son histoire, ses méthodes, ses outils, ses valeurs. Ces règles relatives à la déontologie (éthique, lois, normes formelles et informelles) peuvent sembler très secondaires par rapport à la nature de l’activité, pourtant elles constituent bien un important critère de jugement du management.

Ainsi, un manager qui prescrit des devoir-être sans les pratiquer peut rapidement perdre en crédibilité et en influence. C’est à ce niveau que l’exemplarité de son comportement est requise. Or, en tant que mise en cohérence des discours et des actes, l’exemplarité peut aller très loin. La décision stratégique de Danone, en 2007, de vendre LU et sa production de biscuits, est cohérente avec la volonté de se recentrer sur les valeurs qu’elle défend (la santé). Nous sommes ici face à un cas d’exemplarité appliqué au plus haut niveau de l’entreprise. En revanche, un management qui ne pratique pas les valeurs qu’il prétend défendre freine l’alignement (et, par ricochet, l’engagement) de ses collaborateurs.

“Personnifier” l’entreprise : les donneurs de sens

Par ailleurs, on observe le management selon la manière dont il donne du sens à son activité. “Donner du sens”, c’est autant montrer en quoi l’activité est utile qu’exprimer le plaisir que l’on en tire.

Dans certains secteurs d’activité, l’utilité du travail est évidente, à tel point qu’il n’y a pas besoin de la démontrer. C’est vrai des métiers qui “produisent” quelque chose ; ce l’est peut-être moins des fonctions supports ou des métiers indirectement liés à la production. Dans ces situations, il existe plusieurs manières de “redonner du sens” ; notamment en réalisant de fréquents feedbacks autour des réalisations accomplies, ou en promouvant la réduction du nombre d’intermédiaires entre l’acteur et l’objectif final de l’activité (entre le concepteur et le produit, entre le marqueteur et le client, entre le RH et le collaborateur).

Quant au “plaisir” au travail, c’est une dimension fréquemment occultée, à tel point qu’il peut sembler inadéquat ou honteux d’en faire état. Pourtant, l’expérience prouve qu’un manager “passionné”, qui aime véritablement son métier, soulève souvent l’enthousiasme autour de lui. En d’autres termes, le management n’a rien à perdre à mettre en avant les collaborateurs capables d’exprimer ce qui leur plaît dans leur activité. Question intéressante : que se serait-il passé si Air France avait tourné sa campagne de communication en amont de sa crise sociale, en prenant pour cible ses collaborateurs ?

Et pour les non-alignés ?

Nous avons évoqué la manière dont l’organisation intervient dans l’activité : par le leadership, la culture ou la manière de donner du sens au travail. En général, cet aspect mobilise en priorité l’un des ressorts de l’engagement : l’alignement (cf. notre premier article).

Toutefois, il faut admettre que ce ressort s’exploite surtout à l’initiative du collaborateur. Par exemple, un management, aussi exemplaire soit-il, n’engendre pas nécessairement d’alignement. L’exemplarité est une condition nécessaire mais non suffisante : si ce minimum n’est pas respecté, l’engagement tel qu’on l’entend a peu de chances d’être observé. Idem pour le “sens du travail” : l’entreprise peut proposer au collaborateur des clés pour se construire son propre sens, mais c’est lui seul qui décidera, ou non, de le bâtir ; il n’est pas possible de se substituer à lui / à elle à ce moment là.

Il n’existe donc pas de formule magique pour renforcer l’alignement. Nous évoquons ces éléments comme des pistes à explorer : l’une ou l’autre auront plus ou moins d’impact selon l’organisation concernée.

Dans notre prochain article, nous analyserons une troisième dimension cruciale pour susciter l’engagement des collaborateurs.

Et vous, managers, RH, comment faites-vous pour stimuler l’engagement de vos collaborateurs ?

Source RH C.