Diverses précisions sur les prix dans les marchés de travaux

Le contentieux portant contestation des décomptes ne tarit pas. Une décision du 9 juin dernier l’a encore récemment illustré, ce qui a permis au Conseil d’État d’apporter plusieurs éclairages sur les conditions d'applicabilité des prix dans les marchés de travaux.

Dans cette affaire, le département de la Mayotte avait confié la construction d’un terminal à conteneurs à un groupement solidaire constitué de trois entreprises. Suite à la notification du décompte général par le département, l’une des sociétés membres du groupement a obtenu devant le juge de première instance le règlement de 535 000 euros de prestations non prises en compte dans le décompte, avant d’être déboutée en appel.

Cette décision est, tout d’abord, l’occasion pour le Conseil d’État de faire application des dispositions de l’article 14 du CCAG-Travaux, relatif au « règlement du prix des ouvrages non prévus », et dont il résulte, dans sa version applicable en l’espèce, que « Le présent article concerne les ouvrages ou travaux dont la réalisation ou la modification est décidée par ordre de service et pour lesquels le marché ne prévoit pas de prix ».

Le Conseil d’État en déduit que « les prix nouveaux mentionnés par ces stipulations ne sont applicables que pour les travaux ou ouvrages qui n’étaient pas prévus par le contrat et qui sont réalisés par l’entrepreneur en application d’un ordre de service », de sorte que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en jugeant que « des prix nouveaux pouvaient être appliqués à des travaux prévus par le marché, à seule fin de tenir compte des conditions réelles de leur réalisation ». De fait, pour les prestations prévues initialement au marché, il convient de s’en tenir aux termes de l’article 10 du CCAG, à savoir que les prix du marché sont réputés « fermes » et « comprendre toutes les dépenses résultant de l’exécution des travaux (articles 10.11 et 10.41).

En conséquence, le système de prix nouveaux ne saurait être utilisé à des fins de contournement des prix tels qu’ils ont été fixés initialement dans le marché.
Ensuite, le Conseil d’État était saisi du cas d’une prestation qui, aux termes du marché tel que modifié par avenant, pouvait être réalisé selon deux modalités différentes avec, en conséquence, l’application de prix distincts. Il juge que dans cette hypothèse le maître d’ouvrage ne saurait refuser de régler les prestations réalisées selon l’un des deux choix techniques retenus par le cocontractant au motif que ce choix résulterait « de décisions de chantier » propres à ce dernier, alors qu’il n’est pas établi que les travaux aient été réalisés « sans l’assentiment du maître d’œuvre et du maître d’ouvrage ».

Enfin, le Conseil d’État rappelle la valeur des pièces contractuelles. En effet, aux termes de l’article 3.11 du CCAG applicable en l’espèce, le bordereau de prix unitaire est par principe une pièce constitutive du marché (et a donc valeur contractuelle), à la différence des « sous-détails de prix unitaires », qui ne sont une pièce constitutive qu’en cas de mention expresse du CCAP. Au cas présent, tel n’était pas le cas, de sorte que le juge d’appel ne pouvait ériger en obligation contractuelle le recours à matériau bien précis, dans la mesure où ladite « prescription » ne figurait que dans le sous-détail des prix.

par Par François Fourmeaux

Sources :
CE, 9 juin 2017, n° 396851, Société Colas
CCAG-Travaux, art. 10 et 14

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