Egalite Hommes/Femmes : Ce que le peuple danois peut nous apprendre

Ce qui a marché dans le modèle danois c’est la libération de l’homme dans l’expression des valeurs dites féminines". Malene Rydahl, auteure du livre Le Bonheur sans illusions (Flammarion), était invitée à parler bonheur et féminité lors du Parlement du féminin, organisé le lundi 18 décembre à l'Opéra Comique de Paris. La société danoise, Malene Rydahl la connait aussi bien que celle de nos contrées françaises, puisque l'auteure vit à Paris depuis plus de 20 ans. 

Un peu plus tard, au cours du même événement, c'est au tour de Clara Gaymard - "à moitié Danoise" - d'affirmer les différences entre ces deux pays. "Au Danemark, on aborde le sujet de la femme de façon très différente [par rapport à la France] : ce qui est bien pour la femme est bien pour l’homme", a expliqué la co-fondatrice de RAISE avant d'ajouter : "On est dans un combat de société et non pas de conquête pour la femme sur l’homme."

Derrière ces grands principes presque philosophiques, cet état d'esprit à la danoise se traduit très concrètement dans le quotidien des habitants de ce pays nordique, et tranche, très franchement, avec la façon de fonctionner sur le territoire français. Alors que nous retrouvons Malene Rydahl pour une interview à l'ambiance totalement hygge (comprendre dans un joli salon devant une tisane fumante et un feu de cheminée), l'écrivaine et conférencière explique comment pourrait-on s'inspirer du peuple danois pour encourager l'égalité au cœur de nos valeurs françaises.

1. Se questionner sur la "virilité"

Pour Malene Rydahl, il faut en finir avec les valeurs dites "féminines" et "masculines". L'écrivaine danoise préfère parler de valeurs "humaines", comme l'empathie que les enfants apprennent d'ailleurs à l'école dès l'âge de six ans. 

Malene Rydahl explique aussi qu'un "homme danois n'est pas moins viril parce qu'il va chercher ses enfants à cinq heures à la sortie de l'école ou parce qu'il prend son congé paternité", contrairement au modèle français où l'homme se doit d'être "ambitieux"... quitte à sacrifier goûters d'anniversaires et spectacles de danse ? "Je parle de ces questions avec les dirigeants et ils me confient des regrets : 'J'ai loupé la moitié de l'enfance de mes enfants'".

2. Demander aux politiques de donner l'exemple

Pour insuffler cet état d'esprit dans le cœur des Français et des Françaises, la conférencière assure que l'exemple doit venir des hommes et femmes politiques. "Notre premier ministre avait annulé une réunion européenne très importante parce que sa fille s'était blessée. Il y a eu un débat dans la société danoise et pour s'expliquer, notre premier ministre a alors donné une conférence de presse durant laquelle il a dit : 'Je prends très à cœur ma mission de premier ministre mais elle est temporaire. Être père, c'est une mission d'une vie'".

Avec cette prise de position, le chef du gouvernement a alors donné au peuple danois - et notamment aux hommes - l'autorisation de prendre congé de leur travail et de placer leur famille en haut de leurs priorités. En France, une ministre qui revient à ses dossiers cinq jours après son accouchement envoie un message culpabilisant aux Françaises, selon l'écrivaine. "Elle peut travailler, mais qu'elle ne le dise pas !", s'exclame la conférencière. "On a une grande responsabilité quand on est médiatisé", assure-t-elle également, lasse de cette image de la femme Wonder Woman. 

Même son de cloche pour les chefs d'entreprise. C'est à eux de faire attention que les réunions ne se terminent pas trop tard. "En France, j'ai toujours travaillé à la scandinave : je pars tôt, je ne travaille pas le week-end mais je serai toujours au rendez-vous de mes objectifs", illustre Malene Rydahl qui a notamment été directrice de la communication corporate pour le groupe Hyatt Hotels Corporation pour l'Europe, le Moyen Orient et l'Afrique.

3. Une éducation non genrée

"À l’école, l’enfant apprend à devenir un adulte accompli avec des cours de bricolage, couture, cuisine, musique et sport", rappelait Clara Gaymard lors de son intervention au Parlement du féminin. Ces tâches, perçues en France comme une affaire de "bonnes femmes" ne sont pas du tout présentées dans cette manière au Danemark.

"Toutes les compétences et tous les talents sont valorisés", commente Malene Rydahl avant d'ajouter qu'il n'y a pas de problème de genre à l'école. Un garçon doué à la couture ne sera jamais "regardé de travers", assure celle qui battait "toujours les garçons à la course" quand elle était enfant. 

À la maison, filles et garçons sont également traités de la même façon. Même avec un modèle familial loin d'être révolutionnaire (un père qui travaille et une mère qui reste à la maison), Malene Rydahl a toujours été traitée de la même manière que son frère. Les tâches ménagères comme la cuisine n'étaient en rien réservées à la mère de famille.

4. Une loi (presque) intransigeante

"Le fond de la question est dans l'égalité d'une manière générale", avance Malene Rydahl. La loi est (presque) intransigeante chez notre voisin européen. "Il y a eu des procès - qui paraîtraient absurdes ici en France - contre un salon de coiffure qui pratiquait des tarifs différents, un bar dont l'entrée était gratuite pour les femmes et leurs boissons à moitié prix ou encore un hôtel qui avait réservé tout un étage spécialement pour ses clientes", détaille Malene Rydahl.

Si les écarts de salaires persistent dans le pays (15,1% pour le Danemark contre 15,8% pour la France en 2016, selon Eurostat), la législation danoise a une longueur d'avance en terme de congé parental.

Les pères bénéficient de deux semaines de congé à poser dans les 14 premières semaines après la naissance de l'enfant. Puis les mères et les pères disposent de 32 semaines à se partager après ses 14 premières semaines, peut-on lire sur le site de l'ambassade du Danemark. Consciente que les femmes restent encore celles qui s'absentent le plus de leur lieu de travail, le gouvernement danois a lancé en novembre dernier une campagne de sensibilisation, rapporte un article du Monde. L'objectif ? Inciter les hommes à pouponner leur nouveau né plus longtemps.

"Il y a encore des efforts à fournir" au Danemark, tempère Malene Rydahl. Mais rien n'empêche aux Français et aux Françaises de s'inspirer de ce pays classé douzième dans les états les plus sûrs pour les femmes, devant la France, placée à la 21ème position, selon une étude menée par l'institut de recherche sur la paix de Oslo.

Ariele Bonte
Journaliste