Logement : la loi Egalité et citoyenneté au secours de la mixité sociale ?

Le projet de loi Egalité et citoyenneté vise à endiguer la ségrégation spatiale et territoriale que le quota de logements sociaux de la loi SRU a failli à éviter. Le délégué interministériel à la mixité dans l’habitat, Thierry Repentin, en a récemment détaillé les mesures phares.
La genèse de la loi Egalité et citoyenneté remonte à près d’un an. Deux mois après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, la lutte contre la ségrégation spatiale et territoriale était à l’ordre du jour du comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté (CIEC) du 6 mars 2015. Une partie des 60 mesures lancées la concerne. Quelques mois plus tard, en mai 2015, le gouvernement demande aux préfets d’agir sur les 222 communes reconnues « carencées » et nomme Thierry Repentin délégué interministériel à la mixité dans l’habitat. Celui-ci annonce 1 022 communes déficitaires en logement social, « une minorité » qui refuse le principe du logement social ou connaît de réelles difficultés à construire. Le deuxième CIEC (26 octobre 2015) donne lieu à la publication d’une liste de 36 villes réfractaires, dont les maires refusent de signer le contrat de mixité sociale proposé par le préfet pour rattraper le retard en production de logement social.
Dans ce contexte, Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, et Sylvia Pinel, ministre du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité ont annoncé un projet de loi Egalité et citoyenneté. Ce texte est entre autres destiné à renforcer les dispositifs prévus par la loi SRU qui, malgré ses 15 ans, n’a pas empêché la ghettoïsation des quartiers populaires. Son article 55 prévoit que chaque commune de plus de 3 500 habitants (1 500 habitants en Ile-de-France) appartenant à une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant une commune de plus de 15 000 habitants, doit afficher un taux minimal de logements locatifs sociaux : 20% du total des résidences principales pour 2020, quota relevé en 2013 à 25% dans les zones tendues et à l’horizon 2025.

Six mesures phares
Pour améliorer le niveau de la mixité sociale et du rééquilibrage sociologique des quartiers, le gouvernement veut mettre la pression avec ce projet de loi Egalité et citoyenneté. Le ministère du Logement confirme que le texte sera présenté en Conseil des ministres courant mars et déposé au parlement à la fin du même mois.
Le 14 janvier, Thierry Repentin a précisé que c’est « une loi avec des dispositions relatives au logement, pas une loi sur le logement ». Il en a également détaillé les six mesures phares :
– le transfert du contingent communal dans les communes reconnues carencées au préfet, pour empêcher les maires de choisir la typologie de la population sur le territoire ;
– l’évolution des conditions d’attribution des logements par les commissions par la création d’une part incompressible de logements sociaux hors des quartiers de la politique de la ville (QPV), obligatoirement affectés aux familles du premier quartile de revenus ;
– la possibilité pour les organismes HLM de mieux organiser l’offre de logements existants, en attribuant un logement très social d’un QPV à une famille pouvant payer un loyer augmenté ;
– la limitation des possibilités de comptabiliser les résidences étudiants / personnes âgées ou les logements PLS dans le quota de logement social ;
– le financement du coût de l’intermédiation sociale pour affecter du logement privé vacant à des locataires modestes par la commune carencée (prise en charge du différentiel entre le loyer HLM et le prix marché dans la limite de 10 000 € / an / logement géré par un organisme de logement social, une association ou un agent immobilier) ;
– le « subventionnement » par la commune carencée d’une opération de construction de logements sociaux, pourrait être imposé par le préfet dans la limite de 50 000 euros.

 Un manque de cohérence politique
Ces nouveaux remèdes s’ajoutent à ceux de la loi Alur, notamment l’extension du droit de préemption des préfets ou leur pouvoir de signer des permis de construire aux lieu et place de l’élu d’une commune carencée, à la loi Duflot 1 qui mobilise le foncier public, et aux quelques mesures de la loi de finances pour 2016 (TVA à 5,5 % – art. 12 ; logement intermédiaire – art. 13 ; plus-values – art.32) pour mieux répartir le parc social sur les territoires.
Mais cette nouvelle avancée pour la cohésion urbaine et sociale ne doit pas occulter, selon la Fondation Abbé-Pierre, d’autres choix politiques qui engendrent ségrégation et exclusion : la baisse des aides à la pierre qui réduit la capacité de production de logements sociaux, la diminution des allocations logement, l’absence d’encadrement des loyers, la préférence communale dans l’attribution des logements et l’absence de promotion des quartiers populaires et de leurs habitants. Comme si un manque de cohérence politique donnait d’une main pour reprendre de l’autre.

Source : Le Moniteur