Réglementation marchés privés : Réforme du droit des contrats : le Code civil fait peau neuve

L’ordonnance portant réforme des contrats a été publiée au « Journal officiel » du 11 février. La plupart de ses dispositions s’appliqueront aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.

Efficace. L’ordonnance n° 2016-131 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a été publiée au « Journal officiel » du 11 février, au lendemain de sa présentation en Conseil des ministres. Pour rappel, le Gouvernement a été habilité par l’article 8 de la loi du 16 février 2015 à moderniser le régime des contrats et des obligations, « socle des échanges économiques ». Le toilettage s’imposait et pour cause : les dispositions du Code civil en la matière n’ont que peu évolué en deux siècles et une jurisprudence abondante et fluctuante s’y est greffée. « La seule lecture du Code civil ne permet plus dans ces conditions de donner une vision claire et précise de l’état du droit positif » et pénalise la France sur la scène internationale, note le rapport au Président de la République. Premier objectif de la réforme, donc : apporter de la sécurité juridique grâce à un droit des contrats plus lisible et prévisible fondé sur un vocabulaire « contemporain », simple et explicite. Deuxième objectif : renforcer l’attractivité économique du droit français sur le plan international.
 
Un code pédagogique et plus sûr
 
L’ordonnance comprend 4 titres et 10 articles. Son titre 1er modifie les titres III (relatif aux contrats et obligations conventionnelles), IV (relatif à la responsabilité extracontractuelle) et IV bis (relatif à la responsabilité du fait des produits défectueux) du livre III du Code civil pour y exposer respectivement les différentes sources d’obligations (contrat, responsabilité extracontractuelle, autres sources), le régime général des obligations et la preuve des obligations (admissibilité, modes). Le nouveau livre III se veut pédagogique. Ainsi, il reflète la vie juridique complète du contrat en partant de sa formation jusqu’à son extinction en passant par son interprétation et ses effets. De même, il retrace les différentes phases de la vie des obligations : naissance, circulation ou modifications, actions pour en assurer l’effectivité, cessation, et restitutions. pour les obligations. Les nouvelles dispositions s’affranchissent de notions désuètes peu claires et non indispensables pour faire place aux principes jurisprudentiels bien établis et aux mécanismes juridiques issus de la pratique.
 
Les nouveautés
 
Voici les principaux changements intervenus dans le Code civil :
 
Devoir d’information – L’ordonnance consacre une notion provenant du droit de la consommation et admise par la jurisprudence : l’obligation précontractuelle d’information pendant les négociations contractuelles (nouvel article 1112-1 du Code civil). Ainsi, le créancier ayant connaissance d’une information déterminante pour l’autre partie doit informer celle-ci qui l’ignore légitimement. Ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
 
Contenu licite et certain – Les conditions de validité du contrat évoluent. Le consentement des parties, la capacité de contracter et l’objet certain subsistent, mais la notion de « cause licite », sujet de nombreux débats doctrinaux et jurisprudentiels, est abandonnée au profit du « contenu licite et certain » (art. 1128).
 
Vice de consentement – L’ordonnance codifie une jurisprudence qui assimile l’abus de l’état de dépendance de son cocontractant à de la violence (art. 1143) – devenant ainsi un vice de consentement pouvant mener à la nullité relative du contrat si le créancier en a tiré un avantage manifestement excessif.
 
Clauses abusives – Le Code civil s’aligne sur le droit des contrats entre professionnels et consommateurs ou entre professionnels : les clauses abusives créant un déséquilibre significatif entre les parties sont réputées non écrites (art. 1171). « Afin de répondre aux inquiétudes des représentants du monde économique, craignant une atteinte à la sécurité des transactions entre partenaires commerciaux et à l’attractivité du droit français », seuls sont concernés les contrats d’adhésion, dont les conditions générales sont imposées par l’une des parties.
 
Circonstances imprévisibles – La théorie de l’imprévision, propre au droit public, vient d’être admise en droit civil des contrats. Comme habilité, le Gouvernement permet aux parties d’adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances (art. 1195) afin de lutter contre les déséquilibres contractuels majeurs susceptibles de survenir en cours d’exécution. En cas de refus ou d’échec dans les négociations, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat ou demander au juge d’adapter le contrat.
 
Actions interrogatoires – L’ordonnance donne la faculté à une partie de demander par écrit à son contractant de se prononcer sur l’existence d’un pacte de préférence (art. 1123), l’étendue des pouvoirs du représentant conventionnel (art. 1158) ou encore sa volonté de se prévaloir de la nullité du contrat (art. 1183). Ces actions interrogatoires ont pour vocation à mettre fin aux situations juridiques ambigües.
 
Cession de contrat – Absente du code et issue de la pratique, la cession de contrat fait son entrée. Elle permet de remplacer l’une des parties au contrat par un tiers, sans rompre le lien contractuel (art. 1216 et suivant).
 
Inexécution du contrat – L’ordonnance regroupe les dispositions relatives à l’inexécution du contrat actuellement éparpillées dans le code. Elle consacre le mécanisme jurisprudentiel de « l’exception d’inexécution », offrant la possibilité à une partie de ne pas exécuter son obligation si l’autre n’exécute pas la sienne (art. 1219 et suivants). La sanction de réduction de prix est aussi généralisée (art. 1223). Désormais, le créancier d’une obligation imparfaitement exécutée peut accepter une réduction du prix proportionnelle à la gravité de l’inexécution sans avoir à passer devant le juge. L’ordonnance permet aussi au créancier victime de l’inexécution de notifier au débiteur la résolution unilatérale du contrat (art. 1226).
 
Quasi-contrats – L’ordonnance modernise la notion de « gestion d’affaires » (art. 1301 et suivants). Considérée comme un quasi-contrat, elle l’élève au rang de quasi-mandat et reprend les critères jurisprudentiels de l’utilité de l’intervention du gérant de l’affaire. La notion jurisprudentielle d’ « enrichissement sans cause » change de terminologie pour devenir dans le code l’« enrichissement injustifié » (art. 1303 et suivants).
 
Cession de créance et cession de dette – A la demande des acteurs économiques, la cession de créance est modernisée (art. 1321 et suivants). L’ordonnance introduit dans le code la cession de dette et aménage son régime pour lever des incertitudes jurisprudentielles (art. 1327 et suivants).
 
Entrée en vigueur au 1er octobre 2016
 
Les titres II, III et IV de l’ordonnance prévoient respectivement des dispositions de coordination, d’application en Outre-mer et de nature transitoire. Le texte entrera en vigueur au 1er octobre 2016 et s’appliquera aux seuls contrats conclus à cette date (art. 9 de l’ordonnance). Les contrats en cours demeurent ainsi soumis à l’actuel Code civil, mais des actions interrogatoires pourront être engagées à leur encontre car elles mettent fin à une situation d’incertitude sans porteratteinte au contrat.
 
Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans les six mois de la publication de l’ordonnance, soit avant le 11 août 2016. Cette réforme n’est qu’une première étape de la refonte du Code civil. Le Gouvernement va aussi rénover le droit de la responsabilité civile (contractuelle et extracontractuelle) via un projet de loi ultérieur.  
 
Source : Le Moniteur