Regards croisés sur la question "Comment l'entreprise peut-elle répondre à l'exigence croissante de respect qui se manifeste tant en son sein qu'à son égard"?

Pour le juriste que je suis, j'ai pris l'habitude, face à tout problème soulevé, de poser d'abord deux questions :
- Pourquoi ? pourquoi ce problème se manifeste, pourquoi nous faisons ce que nous avons fait et qui l'ont provoqué ?
- Pour quoi ? Quelle finalité visons nous dans la recherche de la solution ?
 
Cette approche permet de résister à cette fâcheuse tendance de réclamer d'abord  " comment faire ? ", c'est à dire demander des "recettes" auprès d'avocats-conseils réduits au rôle de "maître-patissier". C'est aussi le moyen d'économiser des honoraires par une réflexion personnelle se distinguant du réflexe de la recherche d'une solution toute faite.
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Pourquoi cette exigence du respect ?
- Parce que l'on doit bien admettre que nous assistons à une croissante remise en cause de la crédibilité, et donc de l'autorité de nombreuses institutions. Qu'il s'agisse de l'Eglise, de l'école, de l'armée, de la famille et de l'Etat ...!
- Et sur le plan individuel, désormais nombreux sont ceux qui se sentent concernés par le manque de respect : des gardiens de prison, aux infirmières, policiers, pompiers et ... salariés trop souvent malmenés dans les entreprises par un management qui se veut  toujours plus "performant"
- Seule, jusqu'à présent, l'entreprise semblait résister à cette dérive, en s'appuyant notamment sur le principe de "subordination" inhérent à la relation employeur/salarié
- Mais ce concept a lui-même évolué, avec les nouvelles formes de travail et de technologies qui impliquent toujours plus d'autonomie et d'initiative ...sans oublier les changements de priorités entre vie professionnelle et vie privée exprimées par les générations X,Y, Z ...
 
Le respect, qui est un sentiment qui se compose de crainte et d'amour, semble bien se réduire à la peur de perdre son emploi ...!
Et les salariés s'interrogent de plus en plus sur la légitimité de ceux qui les dirigent, rejoignant l'opinion du Cardinal de Retz (1731) "Lorsque ceux qui commandent ont perdu la honte ,ceux qui obéissent perdent le respect"
 
Pour Quoi une exigence de respect au sein de l'entreprise et à son égard ?
- Les raisons sont sans doute déjà un peu dessinées ci-dessus ?
- Mais il y a plus ! C'est la nécessité de s'interroger encore et toujours sur la finalité de l'entreprise.
 
Déjà Socrate disait "la finalité de toute groupe humain c'est l'épanouissement de chacun dans le respect des différences"
- Et il ne me paraît pas rétrograde de rappeler les propos de Hervé Seyrieux et Georges Archier en 1984 concernant le "Management participatif" incitant à plus d'implications, et, donc de respect, des salariés.
- De même Michel Baroin, créateur de la FNAC en 1985 en appelait à "l'entreprise citoyenne - l'entreprise amour" qui se devait de porter un égal intérêt aux actionnaires, sans doute, mais aussi aux fournisseurs, aux clients ... et aux salariés , certes cités en dernier !!
- Il nous faut davantage faire admettre que la finalité de l'économie (et donc de l'entreprise) n'est pas seulement de produire des profits, mais de créer une valeur ajoutée à partager au-delà du cercle des actionnaires toujours plus avides et de contribuer au progrès de l'humanité.
- C'est l'objet même du droit (et donc de la justice) que d'harmoniser les relations sociales. Autrement dit d'assurer un juste équilibre entre la finalité économique de l'entreprise et le respect des aspirations individuelles et collectives de ceux qui y contribuent.
 
A mon sens il en va de la survie même de "l'entreprise",(structure juridique ) sauf à disparaître dans un simple " réseau de flux financiers."
 
* Alors ? Comment répondre à cette exigence de respect ?
Vous comprendrez qu'il ne m'appartient pas de donner la recette. Mais c'est à vous d'en juger ! En considérant que le respect du droit des autres (employeurs/salariés) s'appelle la justice, et l'attachement à cette conviction s'appelle l'honneur.
 
Jacques BROUILLET
Avocat
Institut International de l'Audit Social
octobre 2018