Visite de Thierry Repentin, délégué interministériel à la mixité sociale dans l'habitat

Thierry Repentin, délégué interministériel à la mixité sociale dans l'habitat : « Certains maires ne souhaitent pas de logement social »

Après Fort-de-France, bon élève dans la construction de logement social. Thierry Repentin sera à Sainte-Marie aujourd'hui, où, en revanche, la commune est loin de respecter ses obligations en la matière. C'est justement pour inciter les collectivités à construire que le délégué interministériel est en visite.

Quel est l'objet de votre mission en Martinique ?
Dans le cadre de la mission que j'ai auprès du premier ministre, je me rends sur tous les territoires de France où on ne construit pas suffisamment de logement social, où la loi de la République, la loi solidarité et renouvellement urbain qui date de 2000, n'est pas totalement appliquée, car on n'y trouve pas 20 à 25% de logement social. Mon déplacement vise à sensibiliser les maires, les bailleurs sociaux, et ceux qui concourent à construire du logement social, pour qu'ils fassent plus que ce qui a été fait jusque-là. Il faut respecter la loi, mais surtout, il faut penser aux 12 000 familles martiniquaises qui aujourd'hui sont sur des listes d'attente pour intégrer un logement social. Pour elles, on ne peut pas reporter indéfiniment l'échéance.
Vous avez visité des logements à Fort-de-France aux Terres-Sainville, qui répond à son obligation en matière de logement social, que pensez-vous de cet exemple ?
J'ai visité une opération exemplaire en matière de portage à la fois par l'Etat, la commune, les bailleurs sociaux... On voit que dans cette opération, le logement social va contribuer à requalifier un quartier. Il va même sans doute redonner de la valeur à des propriétés privées voisines. Cela signifie que le logement social, qui pâtit souvent d'une mauvaise image, dans les faits, il apporte du logement qualitatif qui contribue à requalifier un quartier.
Quels sont les freins à la construction qui demeurent selon vous ?
Ici, comme partout ailleurs, c'est essentiellement la volonté qui fait défaut. Il peut y avoir des défaillances dans certaines communes de la part de maires qui ne voient pas d'un bon oeil d'accepter sur leur territoire des familles qui ont peu de revenus. La deuxième difficulté, elle peut être liée aussi à l'absence ou à la difficulté de trouver du foncier. Mais l'Etat peut aider à trouver du foncier et il peut y avoir des aides financières. Quelquefois aussi, il peut y avoir des agréments de l'Etat pour construire du logement social plus rapidement. Je viens voir s'il y a des difficultés de cette nature pour qu'à mon retour et dans la suite du déplacement de la ministre George Pau-Langevin il y a quelques semaines, on puisse assurer que le plan de relance du logement en Outre-mer soit opérationnel le plus rapidement possible.
Il y a des sanctions qui existent pourtant, sont-elles insuffisantes ?
Il y a effectivement des sanctions financières pour les communes qui ne font pas suffisamment de logement social. Et parce qu'il y a ces sanctions, un certain nombre de communes construisent pour ne pas payer. Mais il y a une loi qui va être votée, Egalité citoyenneté, avant la rentrée 2016, qui va renforcer les sanctions et donner au préfet des pouvoirs exercés aujourd'hui par le maire.
Quels seront les pouvoirs du préfet ?
En terme de signature de permis de construire, de préemption des terrains c'est-à-dire devenir propriétaire des terrains pour faire du logement social. Il pourra récupérer des permis de construire et autoriser les constructions.
Les financements sont-ils suffisamment incitatifs ?
Peut-être faut-il augmenter les pénalités. On se rend compte que là où les pénalités ont augmenté il y a plus d'appétit à faire du logement social. Cela motive des maires à rattraper leur retard. Mais il peut toujours y avoir une subvention supplémentaire quand par exemple, la nature du sol rend la construction plus coûteuse. Cela a été le cas aux Terres-Sainville. C'est surtout pour le logement social, une question de volonté.
Certains opérateurs estiment que les 20 à 25% de logements sociaux ce n'est forcément adapté au contexte démographique et socio-économique de la Martinique...
J'observe que pour arriver au 20 à 25%, il faudrait construire 8 500 logements en Martinique. Or, il y a 12 000 familles sur des listes d'attente. Donc ce n'est pas trop, c'est même insuffisant. Evidemment, les demandes sont ciblées sur des territoires où il y a des services, des commerces. Mais il y a aussi des territoires où il n'y a pas de demandes, parce que les gens savent qu'il n'y a pas d'offres.
Allez-vous aussi rencontrer les professionnels du BTP pour lesquels le logement social représente une part importante d'activité ?
Oui, j'étais avec George Pau-Langevin vendredi dernier à Paris quand elle a reçu la Fédération du bâtiment. Ils ont raison de demander plus de logement social, car un logement construit ce sont deux emplois à l'année dans le bâtiment. Je vois d'ailleurs régulièrement les professionnels du BTP quand c'est nécessaire.
683 logements ont été construits en 2015, c'est peu mais cela représente une hausse de 35% par rapport à 2014. Quels sont les objectifs pour 2016 ?
L'objectif est de construire 900 logements. Là aussi, cela représentera une hausse autour de 30%.
 
Source : France-Antilles du 28 avril 2016